S’il y a un oiseau emblématique des grandes forêts françaises c’est bien le pic noir ! Avec son envergure de 75 cm il est de loin le plus grand des pics européens. Aujourd’hui présent dans quasiment tous les grands massifs forestiers de France, son observation est loin d’être évidente.
Photographier le pic noir est donc un réel défi !
C’est un challenge que j’ai eu la chance de relever en 2020 en forêt de Mormal dans le Nord de la France. De sa recherche jusqu’à l’envol des jeunes, voici toute la démarche que j’ai utilisée pour vivre des moments inoubliables en compagnie des pics noirs.
NOTE DE RÉGIS : cet article a été rédigé par Bastien Prévost et Camille Gaubert, photographes amateurs et auteurs du site www.anotreimage.fr Leur site est magnifique et je ne peux que vous conseiller de vous abonner à leur newsletter en cliquant ici. Ils ont déjà écris un super article sur le blog : comment photographier le cerf
Où trouver des pics noirs ?
Comme mentionné précédemment, le pic noir est présent dans quasiment toutes les forêts de hautes futaies de France. Autrefois, il était considéré comme un oiseau de montagne, ne nichant que dans les forêts de conifères ou les forêts mixtes.
Aujourd’hui, il a colonisé les plaines et affectionne autant les forêts de pins que celles de hêtres. Le pic noir privilégie toutefois les forêts de grands arbres espacés.
Contrairement à beaucoup d’espèces d’oiseaux, le pic noir se porte plutôt bien en France. Sa population a tendance à augmenter et il colonise les zones de plaines depuis quelques dizaines d’années.
Sa présence dans le Nord, en Normandie ou même dans le Finistère est l’illustration du développement de son aire de répartition sur les zones de plaine.
Reconnaître le mâle et la femelle
Un dimorphisme sexuel existe chez le pic noir. Le mâle possède une calotte rouge entière alors que la femelle a seulement une tache rouge à l’arrière du crâne.
Comment trouver des pics noirs ?
Tendez l’oreille !
Avec son cri puissant et son tambourinage pouvant être audible jusqu’à quatre kilomètres, vous n’aurez pas trop de difficultés à entendre le pic noir. Avec un territoire allant de 500 à 1000 hectares, l’observer est toutefois bien moins évident.
Pour le trouver, il n’y a donc pas 15 000 secrets, il vous faudra arpenter la forêt à la recherche des traces laissées par le pic noir. Au préalable, utiliser les vues aériennes disponibles sur google maps ou géoportail pour identifier les zones pouvant potentiellement accueillir du pic noir (haute futaie et arbres espacés entre eux).
Vous pouvez écouter d’autres enregistrements du cri du pic noir sur le site oiseaux.net en cliquant ici.
Astuce:
Faites ce travail de repérage en hiver, la végétation est beaucoup moins dense cela favorisera les observations et votre prospection. De plus, en fin d’hiver les couples se forment et marquent leur territoire. Les amoureux sont donc particulièrement bruyants !
Trouver des zones de nourrissage
Pour se nourrir en insectes xylophages (qui se nourrissent de bois), il perfore l’écorce d’un arbre (souvent mort) ou d’une souche grâce à son bec puissant laissant au pied de l’arbre des copeaux de grandes dimensions.
Important, le pic noir apprécie avoir à proximité de sa zone de nidification, ces sources de nourriture…
Trouver une loge, lieu de nidification
Qu’est ce qu’une loge ? Une loge est une anfractuosité créée par l’oiseau dans un arbre de manière à pouvoir y nicher en toute sécurité à l’abri des prédateurs et des intempéries. Chez le pic noir c’est Monsieur qui construit ou rénove une ancienne loge à la fin de l’Hiver.
Les loges de pics noirs ont des dimensions bien plus importantes que celle des autres pics, vous ne pourrez vous tromper. La largeur est de 8 à 9 cm et sa hauteur de 11 à 14 cm. De plus, sa forme est ovale contrairement à celle du pic épeiche par exemple qui est parfaitement ronde.
Ces loges sont situées sur des arbres vivants et de grande taille, il peut y avoir une à plusieurs loges par arbre. Elles sont construites en hauteur entre 5 et 20 mètres de hauteur de manière à se protéger des prédateurs tels que la martre des pins. Les hêtres sont particulièrement appréciés par les pics noirs pour y construire la loge.
Grâce aux écorces lisses du hêtre les prédateurs ont ainsi beaucoup plus de difficultés à y grimper. Afin de faciliter les allers et venues à la loge, l’entrée doit être dégagée et dépourvue d’obstacles tels que des branches.
D’ailleurs, les arbres abritant une loge sont également vierges de branches en dessous de la loge, pour la même raison que précédemment : se protéger des prédateurs.
En résumé
- Dimensions de la loge: largueur de 8 à 9 cm et hauteur de 11 à 14 cm;
- Emplacement de la loge: entre 5 et 20 m de haut;
- Orientation de la loge: aléatoire mais toujours vers une zone dégagée;
- Essence de l’arbre: généralement hêtre ou pin sylvestre;
- Caractéristiques de l’arbre: de grande taille, en bon état et dépourvu de branche sur sa partie inférieure.
Ne vous éparpillez pas
Le territoire du pic noir est extrêmement grand, alors pour me retrouver j’ai adopté une méthodologie assez scolaire certes, mais efficace : j’ai utilisé un système de gommettes.
Par un code couleur j’inscris sur une carte de la forêt, préalablement imprimée sur des feuilles A4 assemblées, le type de contact réalisé : s’il s’agit d’une loge, d’une zone d’alimentation, ou d’un signalement audio.
Ainsi je bénéficie d’un territoire restreint fréquemment occupé par un couple et je me remémore sans aucun souci l’emplacement des loges trouvées, car ce sont surtout les loges qui nous intéressent…
Quelques astuces:
- Réaliser votre prospection si possible par temps gris, cela vous permettra d’éviter de passer à côté d’une loge ! Car croyez-moi, à contre-jour vous n’apercevrez pas grand-chose !
- Pour ma part je prospectais en réalisant des zigs-zags au sein de la zone pouvant accueillir des loges de manière à être le plus efficace possible lors de ma prospection.
- Pour trouver des loges très facilement, repérez les arbres marqués, souvent d’un triangle. Il s’agit des arbres présentant un intérêt écologique et qui seront épargnés par les coupes.
Quand photographier le pic noir ?
Prospectez en hiver…
Vous l’aurez compris trouver une loge occupée est le meilleur moyen de photographier le pic noir. J’insiste sur le mot occupé car attention aux faux espoirs ! Une loge, même rénovée en fin d’hiver, peut ne pas être occupée !
J’en ai malheureusement fais l’amère expérience… La loge n’est peut-être pas au goût de madame, est inondée par les pluies, ou a été volée par une autre espèce : martre des pins, chouette hulotte, pigeon colombin… De plus le pic noir n’utilise pas forcément la même loge d’une année à l’autre !
Les loges sont construites ou rénovées à la fin de l’Hiver, la couvaison a lieu entre la mi-avril et début mai, c’est le bon moment pour vérifier si une loge est occupée en utilisant un affût ! Le couple se relaie environ toute les deux heures.
…Photographiez au printemps !
En plus d’être dans une période très sensible, le pic noir est une espèce assez craintive, vous devrez vous faire très discret en prenant l’ensemble des précautions nécessaires pour ne pas déranger le couple !
Deux semaines après le début de la couvaison (donc entre début et mi-mai) les œufs éclosent. Le dur travail de parent va alors débuter. Un balai de nourrissage débute, toutes les heures environ un adulte vient nourrir les jeunes (parfois un aller-retour peut se faire en 30 minutes comme en 3 heures…) pour y repartir 1 à 2 minutes plus tard.
Les adultes de pic noir avalent au fur et à mesure les aliments trouvés pour ensuite régurgités directement dans le bec des oisillons. A l’inverse, les pics épeiches alimentent directement les jeunes ce qui explique les allers-retours beaucoup plus fréquents.
Vers la mi ou fin mai, les premières observations des jeunes sont possibles. Ils dépassent tout d’abord timidement la tête lors de l’arrivée des parents, quelques jours plus tard ils seront beaucoup plus francs et même agressifs envers les adultes !
Un mois après leur naissance les jeunes quitteront le nid accompagnés et guidés par leurs parents. C’est à ce moment-là que s’achève souvent une très belle aventure avec les pics noirs…
Comment photographier le pic noir ?
Le matériel à utiliser
- Une longue focale (> 500 mm) permettant un éloignement suffisant de la loge pour limiter le dérangement ;
- Un affût digne de ce nom : personnellement j’utilisais un affût fantôme des bois. Une tente d’affût ou un filet de camouflage intégré à un buisson seront également adaptés ;
- Une housse anti-bruit : le pic noir est particulièrement sensible au bruit du déclencheur ;
- Une chaise confortable ! Les allers-retours sont peu fréquents et si vous souhaitez faire de belles observations plusieurs heures d’affût seront nécessaires.
Les réglages
Comme en général pour la photographie animalière, je vous préconise de passer en mode « priorité à l’ouverture » de manière à bénéficier de la meilleure vitesse possible.
Les conditions en sous-bois sont souvent peu lumineuses, il vous faudra très certainement monter en ISO afin de bénéficier d’une vitesse de déclenchement raisonnable (1/200s au minimum).
Si vous souhaitez faire la photo du pic en vol juste avant son arrivée à la loge faite en sorte de prévoir une vitesse avoisinant les 1/2000s tout en anticipant son arrivée et en mode rafale (si vous disposez d’une housse anti-bruit et à distance raisonnable de la loge).
L’utilisation d’un déclencheur à distance est un bon moyen pour gagner en proximité et limiter le dérangement !
N’hésitez pas à rendre vos photos originales en testant des contre jours, un clair-obscur, le pic noir est très photogénique !
Photographier le pic noir est un réel défi qui peut être très chronophage et parfois même désespérant, mais croyez moi il en vaut bien la peine !
un très bel article bravo et merci !
Bonjour, bell article et magnifiques photos. Comment se pratique le clair obscur ? En post traitement ou technique photo particulière ?
Bonjour Sophie et merci pour le message ! Alors j’ai envie de vous répondre « les deux » ! Personnellement j’utilise la lumière naturelle pour réaliser cette technique. Pour bénéficier d’un bel effet de clair obscur il vous faudra avoir une lumière importante sur votre sujet qui contraste avec un fond sombre. Niveau réglage je suis en sous exposition importante et le calcul des réglages du boitier se fait sur la zone éclairée de mon sujet (mise au point). J’accentue ensuite l’effet de clair obscur avec du post traitement en jouant notamment sur l’exposition. Bonne journée 🙂
Bonjour,
Bel article, bien construit.
Petite question, comment faites vous pour faire la photo en tete d’article s’il faut etre caché pour le photographier ?
Merci.
Bonjour Albert,
Tout d’abord merci pour votre message et l’intérêt que vous avez pu porter à l’article !
Cette photo a été faite à l’aide d’un déclencheur à distance ! Je vous déconseille fortement de réaliser ce style de photo au pied de la loge sans cet outil, le dérangement pour les pics noirs seraient trop important ! J’ai donc placé mon appareil sur trépied avec le déclencheur à distance sans fil pendant l’absence des parents. Je me suis camouflé à une centaine de mètres et j’ai déclenché ponctuellement ! Les pics sont sensibles au bruit du boitier, j’ai donc utilisé une housse anti-bruit + un gros pull pour limiter au maximum le dérangement ! J’avais une vue sur la loge et je prenais deux trois photos max lors de l’arrivée d’un des deux parents. Si vous souhaitez faire ce style de photo, faite le lors de la période de nourrissage des jeunes, la couvaison est une période bien trop sensible pour tenter ce genre de photo ! Un dérangement trop important risquerait de provoquer un abandon de la loge !
C’est une technique qui apporte de jolis résultats mais qui demande beaucoup de préparation et de préparatif !
Bonne journée 🙂
Merci pour votre publication passionnante. Je ne louperai pas le prntemps prochain !
Merci ! N’hésitez pas à nous tenir au courant de la réussite de votre quête au pic noir ici même 😉 Bonne chance !
Super intéressant merci
Content que ca vous ait plu 🙂 !
Bonjour,
Merci pour cet article très intéressant et très motivant. Je n’ai jamais eu la chance d’observer un pic noir, mais avec toutes ces infos, je tenterai l’expérience dès que je le pourrai !
Bravo pour vos magnifiques photos.
Bonne journée.
Un grand merci Sébastien ! Je vous souhaite autant de réussite ! C’est un défis pas forcément évident à relever mais qui reste abordable du moment que l’on prend le temps nécessaire 😉 Bonne chance 🙂 !
Merci pour cet intéressant article. Ce message s’adresse particulièrement aux franciliens.
Pour les Parisiens, le pic noir est très présent en Ile de France. J’en trouve tous les ans dans les Bois de Boulogne ou Verrières. Ils commencent leur loge dès janvier et cherchent à s’appairer dès février. Le mâle se tient en hauteur . Il ne crie pas, mais se manifeste par des coups de bec très reconnaissables.
Bonne journée
Excellent article sur cette espèce qui m’attire beaucoup mais que je n’ai jamais pu observer.
Avec ces conseils, ma motivation est au taquet et je vais reprendre la recherche de ce bel oiseau.
Merci !
Merci pour ce commentaire Christophe ! On vous souhaite la plus grande des réussites dans cette quête au pic noir 🙂 ! Bonne chance