Disclaimer : Vous vous apprêtez à lire un article écrit par le photographe David Jutier du site LaPhotoNature.com

C’est donc lui qui s’exprime ici.

J’aimerais commencer cette série d’articles par une question : que penseriez-vous d’un·e photographe qui utilise le film argentique et qui, aussitôt ses photos tirées sur papier, jette ses négatifs à la poubelle ?

Est-ce que vous diriez que ça n’a aucun sens ?

Eh bien c’est ce que font 99 % des photographes avec leurs images numériques, le plus souvent sans le savoir.

Car oui, quand on prend une photographie numérique, un négatif est produit. Toujours. C’est ce qu’on appelle le fichier « raw », et ce n’est pas encore une image. Il faut le développer et le tirer, exactement comme en argentique.

Pour un film argentique on utilise pour cela la chimie, en numérique tout se fait avec un logiciel. Mais dans les deux cas ces étapes sont obligatoires et déterminantes pour le résultat final.

Et c’est pour cela que j’ai choisi de vous parler de ce sujet : maîtriser cette phase de développement numérique est une technique photo très puissante.

Alors vous vous dîtes peut-être « mais lorsque je prends une photo je vois tout de suite le résultat au dos de l’appareil, pas besoin de développement ! ».

Donc avant d’aller plus loin je vous pose à nouveau une petite question :

Avez-vous déjà vu le négatif numérique de vos images ?

Comme il est fort possible que ce ne soit pas le cas, je vous en montre un tout de suite. Voici d’abord une image de fleur « normale », après développement :

Et voici le négatif numérique de cette image avant développement, c’est-à-dire ce que « voit » le capteur de l’appareil :

La transcription à l’écran des données « brutes de capteur » montre que pour l’appareil photo :

  • chaque pixel n’est composé que d’une seule couleur : rouge, vert ou bleu,
  • les pixels verts sont deux fois plus nombreux que les rouges et que les bleus,
  • deux pixels de même couleur ne diffèrent que par leur luminosité.

Bref, pour notre œil et notre cerveau humain, ça ne ressemble à rien. Pour obtenir une image regardable, il faut développer ce négatif, reconstruire les couleurs, les lumières et les contrastes.

Et c’est ce que fait l’appareil photo juste après chaque prise de vue :

  1. il réalise un développement express,
  2. il exporte le résultat sous forme d’un fichier .jpeg visualisable,
  3. par défaut il efface le négatif qui lui a servi à produire ce jpeg,
  4. il se tient prêt pour la photo suivante !

Est-ce un problème de laisser ainsi l’appareil produire un jpeg et détruire les données brutes ?

Si vous n’accordez pas plus d’importance que cela à certaines images, non aucun souci. Dans tous les autres cas, oui c’est un problème, pour deux raisons principales :

La première est technique.

Les développements réalisés par les appareils sont des compromis d’usine conçus pour donner des résultats à peu près acceptables dans un maximum de situations.

Malheureusement, ces compromis et les limites techniques des capteurs empêchent bien souvent l’appareil de retranscrire fidèlement la scène telle que notre couple œil/cerveau peut la voir.

C’est d’autant plus marqué que les lumières sont complexes et intéressantes ! Seul un développement à partir du raw peut donner à l’image tout son rendu. Je vous donne un exemple typique d’un paysage dont je voulais absolument préserver le ciel lors de la prise de vue :

La seconde raison pour laquelle vous ne devriez plus laisser votre appareil décider à votre place du rendu de votre image est A R T I S T I Q U E.

Le .jpeg est comme un tirage papier : il est une interprétation de la prise de vue qui ne peut plus être modifiée. Laisser l’appareil produire un seul tirage avant d’en détruire la source c’est se priver du prolongement naturel de la prise de vue.

À l’inverse, développer vous-même à partir du négatif va vous permettre d’exprimer votre style, votre sensibilité, votre créativité. Non seulement vos images seront meilleures, mais elles vous procureront la fierté et la satisfaction de les avoir vous-même produites de A à Z. Et rien que ça, c’est top, et on en reparle très vite.

Alors rendez-vous dans le menu de votre appareil pour sélectionner l’option « RAW », et on se retrouve demain pour un nouveau billet au sujet qui va vous plaire : Les 5 limites que vous allez faire sauter grâce au raw.

En attendant demain, vous pouvez compléter la lecture avec cet article.