Vous avez beaucoup de photos que vous aimeriez partager autrement que sur internet, sur Facebook, ou par mail ? Vous aimeriez offrir à vos photos bien mieux que les livres photos à 10 € qu’on peut se faire sur le net ?

Alors créer son propre vrai beau livre photo en auto-édition est peut-être la meilleure solution.

IMPORTANT – cet article a été rédigé par Philippe Bolle, photographe animalier expert. C’est lui qui s’exprime dans cet article. Il a récemment créé son livre en auto-édition, Svalbard Expéditions, résultat de 4 expéditions dans les terres du Grand Nord. Il partage donc ici sa précieuse expérience pour vous aider à y voir plus clair dans la création de votre livre photo.

La couverture du livre Svalbard Expéditions

Mais se lancer dans cette entreprise ne s’improvise pas. C’est une véritable aventure qui se présente à vous, où l’on passe par tous les stades, de l’euphorie au découragement total.

Le premier conseil que je vous donnerais est de ne pas faire « son livre » tout seul. Il faut s’entourer de personnes capables de vous donner le bon coup de main au bon moment.

Ensuite, vous devez vous mettre dans l’état d’esprit suivant : ce livre, même si c’est vous qui le faites, il ne vous appartient pas. Aussi surprenant que cela puisse paraître, vous ne le faites pas pour vous, mais pour un public.

Chaque étape dans la production du livre doit être faite en pensant à ça.

Autrement dit, ça n’est pas parce que vous adorez une de vos photos, qu’elle doit absolument figurer dans votre livre. En tant que photographe, on a souvent tendance à associer nos photos au moment de la prise de vue, et à l’émotion qui y est liée.

D’où l’intérêt de ne pas partir bille en tête tout seul. De s’entourer de quelques personnes de confiance pour ne pas faire de grossières erreurs, comme dans le choix des photos, dans la création de la maquette ou encore dans le choix du papier.

Trier ses photos

L’idée ici est de ne garder que les meilleures photos. Je suis parti d’environ 12000 photos. Le livre en contient 174. Soit 1,45 % ! C’est une tâche longue et difficile et mieux vaut commencer le plus tôt possible, et avoir beaucoup de choix dans sa photothèque.

La première sélection doit être faite pas l’auteur

Sur les 12000 photos prises au cours de mes 4 expéditions, j’ai sélectionné moi-même 124 images par saison (comprendre expédition), soit 496 images en tout.

J’ai pris le soin d’équilibrer divers types de sujets : faune, paysages, gros plan et faune dans son environnement.

La deuxième sélection doit être faite par une autre personne

Cette étape peut vous surprendre. Mais elle est très importante.

Confier ce second tri de vos images ne doit pas être fait à la légère. Il faut choisir une personne de confiance et qui travaille dans le milieu de l’image.

Pourquoi donner cette tâche à un tiers ? Parce qu’il sera capable de mettre des photos de coté sans être gêner par l’émotion, par la relation intime qu’un photographe peut avoir avec ses photos.

J’ai donc envoyé mes fichiers à mon ami Yoann Pallier, un professionnel dans le milieu de l’édition. À ce moment-là, votre livre est entre les mains du concepteur de votre premier « bébé ». Les échanges et la confiance sont de mise. Et il est évident qu’il n’est pas question de ne pas avoir son mot à dire dans cette deuxième étape.

Ainsi, après de nombreux rendez-vous avec lui, il ne restait plus que les fameuses 174 images pour continuer l’aventure.

Trouver son fil conducteur

L’idée ici est de trouver le thème qui reliera toutes les photos entre elles. Le but est d’éviter à tout prix un enchainement de photos sans queue ni tête, sans aucune logique.

Il faut que le lecteur ait l’impression de lire une histoire. Même s’il y a peu de texte !

Pour mon livre, j’ai choisi de privilégier la thématique du réchauffement climatique. Les photographies retenues devaient donc faire passer toutes les émotions liées à ce thème. Le mettre en avant bien sûr, mais aussi préserver l’esthétisme des scènes photographiées, sans dramatiser.

Le thème que vous aurez choisi doit être constamment en filigrane dans votre livre. Votre intention doit être lisible au premier regard et donner l’envie de tourner la page, aiguiser la curiosité du lecteur et le surprendre.

Ecrire ses textes

Ils peuvent à la fois accompagner votre démarche et légender vos images. Si vous n’êtes pas doué pour l’écriture, encore une fois, n’hésitez pas à mettre à contribution vos amis (es). Il est aussi important de vérifier vos sources, et de les faire relire et corriger par différentes personnes de confiance qui ont une vraie compétence dans ce domaine.

Si vous souhaitez une version Français / Anglais (ou autre) assurez-vous d’avoir un traducteur de très bon niveau.

Rechercher la personne pour rédiger votre Préface

La préface doit affuter la curiosité du lecteur, aiguiser son intérêt.

Il peut, par exemple, s’agir d’un auteur photographe ou d’une célébrité reconnue pour ses ouvrages qui traite du même domaine que vous. Le but affiché par l’auteur de la préface est de présenter l’auteur et le recommander au lecteur, en précisant éventuellement ses intentions ou en développant sa démarche.

On y vante généralement les qualités de l’auteur.

Rédiger vos remerciements

C’est un passage obligé et pas aussi simple qu’il n’y parait.

Ce n’est surtout pas la liste de tous les intervenants qui ont contribué à vous aider à concevoir votre ouvrage. En premier lieu ne pas oublier personne, et rédiger une phrase courte qui met en valeur la qualité de l’intervenant, ses compétences et l’amitié qui vous lie.

Rédiger votre biographie

Élément incontournable et ô combien difficile pour certains de parler de soi.

Ne vous contentez pas d’aligner des dates et des événements sans soigner la forme. Il faut que votre récit se tienne, qu’il constitue une vraie histoire à laquelle les lecteurs peuvent se raccrocher.

C’est bien souvent difficile à réaliser seul. La solution la plus sage est donc de faire lire votre biographie à deux ou trois amis (es) pour vous aider à transmettre et partager vos valeurs au travers de votre livre.

Ne pas oublier l’achevé d’impression

L’achevé d’imprimer est le texte légal obligatoire à la fin d’un imprimé qui indique le nom et l’adresse de l’imprimeur, la date d’impression, le numéro et la date du dépôt légal.

Généralement, l’imprimeur vous propose deux ou trois texte déjà formulés. À vous de faire le choix qui vous convient.

Demander son numéro d’ISBN

Il s’agit d’un numéro international normalisé permettant l’identification d’un livre dans une édition donnée. ISBN signifie International Standard Book Number

Pour tout savoir à ce sujet, le site de l’AFNIL est très bien fait (et vous trouverez aussi pas mal d’autres renseignements utiles et pratiques)

Aborder le Plan Juridique

Je vous recommande le livre de mon amie Joëlle Verbrugge : « CHECKLIST J’édite mon livre tout seul» Vous y trouverez tous les conseils nécessaires.

[Note de Régis : j’ai fait une interview de Joëlle Verbrugge sur le blog. Vous pouvez l’écouter ici, on y parle aussi d’auto-édition mais sous le prisme juridique]

Pour ma part, j’ai fait une demande de rescrit sans Siret. Vous trouverez dans le lire de Joëlle une lettre type à formuler et à faire parvenir au service des impôts des particuliers.

C’est certain que ce n’est pas la partie la plus glamour de l’auto-édition, mais c’est indispensable d’y passer un peu de temps pour ne pas être embêter plus tard !

Se lancer dans la maquette

La maquette d’un livre est simplement la mise en page de vos photos et de vos textes (s’il y en a). C’est l’organisation de l’affichage du contenu.

Il s’agit de trouver le bon format d’image à adopter en fonction de vos photos : carré, à la française, à l’italienne … Mais aussi des textes à mettre pour chacune des pages !

Comme votre livre sera ce qu’on appelle un Beau Livre (et pas un livre illustré et encore moins un simple livre texte), la maquette est excessivement importante.

Je vous conseille d’abord d’aller voir ce qui a été fait par d’autres auteurs sur le même sujet, soit :

  • pour se différencier si possible des ouvrages existants
  • ou pour s’inspirer d’oeuvres qui vous ont marquées

Vient ensuite logiquement la mise place du « chemin de fer ». C’est la colonne vertébrale du livre. Il permet de formaliser la place de chaque rubrique, des photos et des articles. Il est indispensable au graphiste qui finalisera la maquette.

Il y a bien sur la maquette intérieure, mais aussi celle de la couverture … et la c’est un supplice chinois (me concernant en tout cas !) car j’ai fait pas moins de 28 projets. Comme c’est ce que verra en premier le lecteur (et l’acheteur potentiel), le choix est toujours compliqué et capital.

Je me répète mais c’est la première photo qui sera vue par vos futurs lecteurs ou lectrices. Il laisse souvent des regrets amers. Je me demande encore à ce jour, si j’ai fait le bon choix !!!

Attention : Tenir compte pour les livres reliés et cousus, des photos en double pages, elles ne doivent pas se trouver à la couture, de préférence à la vraie double, à vérifier absolument lors du Chemin de fer.


Le montage d’un livre est une affaire de professionnels. Si vous n’avez pas de formation sur les logiciels comme InDesign, ou Xpress, c’est compliqué. Car vous devez présenter à l’imprimeur un fichier PDF haute résolution parfaitement calé, au millimètre ! C’est pour ça que je n’ai pas hésité à confier le montage de mon livre à une personne compétente.

Trouver le papier d’impression

Faire le choix du bon papier sur lequel vos photos seront le mieux imprimées est capital. Car autant que la prise de vue et que le post-traitement, le papier a une vraie influence sur le rendu final.

Ici, je ne saurais trop vous conseiller de vous mettre en relation avec un imprimeur réputé et qui a pignon sur rue.

Apprêtez vous à faire pas mal d’allers-retours entre vous et l’imprimeur.

Pour ma part, je n’ai pas eu a beaucoup cherché. En effet, le bouche à oreille étant un moyen assez sûr, j’ai choisi « Escourbiac ». Ils ont imprimé les ouvrages de photographes de référence dans la photo nature comme Kyriakos Kaziras, Lionel Maye, Grégory Pol, Stanley Leroux, Benoist Clouet, ou encore Sabine Bernet.

Ce genre de références est un critère de choix pour choisir le bon imprimeur.

La disponibilité de l’imprimeur, la compétence de l’interlocuteur joue un rôle primordial dans le choix du support, texture, grammage, couleur et la qualité du papier, la couleur de la page de garde et du tranche fil.

Un point sur la chromie

La chromie a une grande importance.

Votre travail de post-production doit être minutieux et le passage de votre RAW en CNJM est crucial pour la cohérence des couleurs. Demandez à votre imprimeur le profil CMJN adapté et qui sera en phase avec le papier que vous aurez choisi.

Ensuite l’imprimeur vous donnera les modalités pour faire le PDF imprimeur (d’où l’intérêt à nouveau d’avoir des bonnes relations avec lui).

Ce premier PDF permettra de réaliser une épreuve calibrée et d’avoir un aperçu de vos photos avec leur profil. Appliquez-vous à composer l’épreuve avec un panaché de couleurs. Elle sera imprimée sur le papier que vous avez choisi, cela vous permettra de vous donner une idée précise du rendu final.

Quelques anecdotes

Le moment le plus fort, en tout cas pour moi, ce fût la veille de l’envoi du PDF haute résolution à l’imprimeur. Tout est calé, ficelé et tu sais que tu t’apprêtes à ne plus pouvoir revenir en arrière dans quelques heures

(pour la petite histoire, il a fallu 9 heures non-stop pour imprimer les 500 exemplaires de mon livre dans les ateliers de mon imprimeur !

Entre les premiers tris de mes de photos et le jour J de l’impression chez l’imprimeur, ce fût 5 mois de travail acharné. D’ailleurs, très souvent, je m’endormais avec les pages de mon livre en tête et je passais une partie de la nuit à me demander si la photo de la page 80 n’irait pas mieux avec la page 108.

Et dès 6 heures du matin, à peine l’œil ouvert, j’étais déjà impatient d’ouvrir l’ordinateur pour mettre en chantier les idées que j’avais tard la veille.

Comme par exemple passer un coup de fil à Yoann pour lui proposer de changer la photo de la page 80 en page 108 … et de lui demander son avis.
Et c’est comme cela durant les 5 mois de mise en page.

Il est important d’échanger en permanence pour soulever les doutes et les résoudre. Ne pas rester dans les interrogations, d’où l’importance de partager ce travail avec d’autres personnes …

… qu’il vaut mieux choisir hors du cercle familial, sinon on prend le risque qu’elles disent « oui » à tout tout le temps pour nous faire plaisir.

Quelques définitions :

DÉFINITION : Mesure de la quantité de détails restituée d’un document original (basse définition ou haute définition).

CALAGE : Mise en place des différents groupes d’impression sur la machine pour l’obtention d’une bonne feuille servant de référence durant tout le roulage

FLASHAGE : Opération qui consiste à réaliser des films ou des plaques d’après un fichier.

AMALGAME : Tirage simultané, sur une même feuille, de documents différents prévus sur le même papier et dans les mêmes couleurs.

B.A.T : Bon à Tirer, dernière épreuve de contrôle soumise au client pour acceptation. L’accord du signataire engage sa responsabilité pour la suite de la fabrication (bref, ça ne rigole plus !)

La réception et la vente

A la livraison de la palette dans le garage, l’excitation, le bonheur de caresser et redécouvrir votre livre,
passés, Il faut trouver un endroit sec et tempéré pour la stocker.

L’humidité ou des variations de température trop importantes auraient une incidence sur la bonne tenue de votre ouvrage.
Beaucoup d’amis (es) attendaient avec autant d’impatience que moi, de toucher et feuilleter mon livre. Les premières ventes se font plutôt facilement.

Mais, très vite, il faut bien se mettre à l’évidence, que le réseau des amis et des proches ne suffira pas à vendre les 500 exemplaires. Les réseaux sociaux sont pleins de promesses, mais pas toujours tenues.

Trouver d’autres moyens de vente devient rapidement une obsession qui vous mange tout ou partie de votre temps. Expositions, conférences et dédicaces demandent une belle énergie, toujours agréable par les partages et les échanges, mais en réalité, elles ne sont pas souvent accompagnées de vente. Les frais de déplacements et d’hôtellerie font que vous faites une opération blanche.

Un site de vente en ligne est indispensable, pour augmenter les chances de diffusion de livre.

Mais, là encore, ce n’est pas la solution miracle, actuellement, elle ne représente que 30 % des ventes.

Cela fait trente ans que je me balade dans tous les Salons et Festivals photographiques animaliers. Ce qui m’a permis de tisser des liens d’amitié avec des photographes animaliers reconnu(e)s.

Ils ont tous accueilli mon ouvrage avec bienveillance. Une façon de présenter votre livre par des photographes de renom comme :

Les textes « élogieux » de mes ami(e)s photographes ont contribué à mettre en avant mon travail d’auteur. Ils ont été de bons vecteurs d’achat du livre sur le site.

Idées pour le financement d’un livre en autoédition

Une solution que je n’ai pas envisagée, est de monter son projet en passant par l’intermédiaire d’une plateforme de financement comme Ulule ou KissKissBankBank. Cette dernière organise une présentation du livre. Cela permet de lever des fonds pour couvrir tout ou partie des frais et  donc de limiter les risques.

Je suis à ce jour, encore en recherche de solutions pour que les ventes du livre augmentent, pour au moins rentrer dans mes frais d’investissements.

Un nouveau challenge s’impose, encore plus «commercial» avec la nécessité de mettre en place des solutions efficaces pour vendre les exemplaires encore disponibles. Mais c’est une autre paire de manches.

Pour conclure

J’espère que mon retour d’expérience vous aura aidé ! Je serai ravi de pouvoir répondre à vos questions en commentaire.

Et pour vous rendre compte concrètement du résultat, je vous invite à visiter la page dédiée à mon livre photo : www.svalbard-expeditions.com

[NOUVEAU] Vous pouvez télécharger cet article au format PDF pour l’avoir chez vous :