Bonjour à tous,

Cet article n’a pas vocation naturaliste, beaucoup de documents très bien fait existent déjà. Ce document comporte un bref rappel descriptif du sujet, et surtout mon expérience personnelle pour photographier le martin pêcheur qui me passionne depuis de très nombreuses années et sur lequel j’ai décidé de travailler photographiquement depuis un an.

IMPORTANT – cet article a été rédigé par Gil GautierPhotographe animalier professionnel, c’est lui qui s’exprime dans cet article.

Où le trouver, comment le repérer, comment mettre toutes les chances de son côté pour l’observer, le photographier, tout en respectant certaines règles pour ne pas déranger l’animal.

Je vous expliquerai quelques généralités, mais ce ne sont que des généralités, le comportement, les lieux sont très variés, et notre petit sujet s’adapte à beaucoup de biotopes et de conditions.

mâle martin pêcheur

Le mâle, bec inférieur noir [D3s +300mm + TC2  f7.1  1/200 iso640 ]

Description du Martin Pêcheur

Le martin pêcheur est de la famille des Alcédinidés. Son nom latin est Alcedo atthis. Sa taille est d’environ 16 cm et de couleur bleu turquoise dessus et orange dessous. Le mâle a le bec noir, la femelle a le dessous du bec inférieur orangé.

Femelle martin pêcheur

La femelle, bec inférieur orangé [D3s + 500mm f5.6  1/500  iso360 ]

L’habitat du martin pêcheur

Il habite les rivières à cours d’eau lent, les lacs et les étangs. Le martin pêcheur creuse son terrier dans les berges (galeries d’environ un mètre de long ), c’est là que se passera la ponte, la couvaison et l’éclosion des petits.

Le comportement du martin pêcheur

Le martin pêcheur est solitaire, c’est à partir de janvier, février que la période des amours commence. Pour conquérir sa partenaire, le mâle doit offrir un poisson à la femelle, si elle l’accepte, la reproduction peut avoir lieu. L’instant de l’offrande du poisson s’appelle « le passage ».

Il se nourrit principalement de poissons (de l’alevin à beaucoup plus gros), mais n’hésite pas à varier de temps en temps avec des batraciens, voire même des odonates.

La méthode de pêche du martin pêcheur est de se poster au dessus de l’eau (sur un perchoir) et de plonger sur sa proie (poisson, alevin, batracien). Une fois pêché, il remonte avec son poisson dans le bec, et le tue avant de l’avaler tête la première.

Pour le tuer, il le frappe violemment sur une branche (ou un rocher). Si son perchoir est une branche fine, vous êtes assuré qu’il ne remontera pas avec son poisson dessus. La branche étant trop fine pour assommer son poisson, le martin pêcheur préférera donc un autre endroit (plus gros) pour tuer et manger sa proie. Il arrive fréquemment que l’oiseau s’envole, se place en vol stationnaire au dessus de l’eau et plonge.

Si vous voyez le martin pêcheur qui remonte de sa pêche et se pose avec un poisson dans le bec tête vers l’exterieur, sachez que ce poisson est destiner à nourrir ses petits! Il donnera le poisson à l’oisillon pour que ce dernier l’avale tête la première .

toilette martin pêcheur

La toilette ( montage de 3 images ) [D3s + 300mm TC2 . Iso1100 1/320″ f5.6]

Comment repérer le martin pêcheur ?

Comme pour tous les sujets, il faut et il est indispensable de connaitre son sujet ! Ceci est vraiment la base de la photo animalière.

Ne comptez pas sur la chance. Il faut plutôt mettre tous les paramètres de son côté pour d’une part le repérer, l’observer et ensuite et seulement penser à la photo.

Connaitre son habitat, son biotope. Voir dans la description « son habitat », rivières , lacs et étangs … là où il y a de l’eau douce en fait ! Et des poissons !!

La première partie de votre repérage se fera tranquillement comme souvent pour ma part, derrière votre écran d’ordinateur, sur @google map ou @geoportail . [Note de Régis : j’ai écrit un article au sujet du repérage à l’aide de Google Maps]

Commencer par rechercher autour de chez vous (ou ailleurs, c’est vous qui voyez), les points d’eau, rivières et des eaux fermées.

Pour les rivières, il faudra trouver des endroits le long de celle-ci où l’eau est calme. Des renfoncements dans les berges avec des trous d’eau. Le martin ne pêche pas dans de l’eau bouillonnante (car il ne peut pas voir les poissons )

Élément indispensable, des perchoirs ! Le martin pêcheur repère ses proies tranquillement posé sur son perchoir (branche par exemple). En général, son perchoir se situe de 1 m à 2 m au-dessus du niveau de l’eau (je dis bien en général …). Cette hauteur lui donne assez de puissance pour son plongeon.

Pour ce qui est de la profondeur de l’eau, j’ai vu des oiseaux qui pêchaient dans 10 cm d’eau et d’autres dans 2 m d’eau … donc j’ai du mal à en tirer une conclusion.

perchoir martin pêcheur

Un exemple de perchoir

Pour les lacs, étangs et marres (eau fermée), idem que pour les rivières.

De l’eau calme, des perchoirs. Les perchoirs peuvent être aussi des roseaux, il n’est pas rare de voir un martin pêcheur agrippé à un roseau vertical.

Que ce soit en rivières ou en eaux fermées, recherchez plutôt un endroit calme, avec pas trop d’allées et venues de promeneurs, pêcheurs (quoi que les pêcheurs tranquillement assis ne gênent en aucun cas notre ami le petit bleu).

Un endroit calme pour vous, c’est mieux le calme et la tranquillité, et aussi pour notre petit sujet qui est très craintif.

20160203_124701

Le chant du martin pêcheur

La suite de votre repérage se fera sur le terrain. Mais avant toute chose il est primordial de connaitre le chant du martin pêcheur. Vous l’entendrez avant de le voir je vous l’assure. Son chant porte assez loin, et 15 cm dans des branchages à 100 m c’est compliqué à voir .

Donc passez-vous en boucle le chant du martin (c’est toujours mieux que certains « chanteurs») :

www.chants-oiseaux.fr/martin-pecheur

Il y a plein de sites avec le chant du martin , vidéos etc .. je vous laisse chercher. La recherche fait partie de la démarche aussi !

martin pêcheur

[ D3s + 300mm + TC2  f7.1  1/320  iso720 ]

Sur le terrain

Equipez-vous ! … Vous avez bien repéré l’endroit au chaud devant votre ordinateur, il est temps d’aller sur le terrain. La première chose :

  • Le lieu est-il autorisé ?

En cas de doute, je vous conseille de vous renseigner en mairie ou autre autorité compétente comme ONCFS par exemple. Méfiez-vous des panneaux d’interdiction trop souvent inexistants, ou mal placés.

  • Cet endroit est-il accessible sans dérangement de la faune ?

En cas de doute, renoncer.

Une paire de jumelle c’est vraiment le mieux. Mais aucunement obligatoire. Mais c’est mieux ! 🙂

Faites un tour des lieux, pensez martin ! Vous allez rire mais je me fais toujours cette réflexion « si j’étais un martin , je me poserais ici ».

De l’eau (calme, pas forcement limpide) , une/des branches, des poissons. Ça sent très bon ! Peut être même que par chance quand vous êtes arrivé, un héron a décollé, ou un cormoran. Signe incontestable de la présence de poissons.

S’il y a des pêcheurs dans le coin, posez leur la question, au milieu d’une discussion* « Au fait , vous avez vu des martin pêcheurs dans le coin ?»

*Oui , je précise , au milieu d’une discussion, le respect des règles de politesse et de savoir-vivre s’applique aussi et surtout dans la nature !

Posez-vous tranquillement dans la zone, qui à votre avis est propice à la présence de notre ami et attendez. Mettez-vous très en retrait, voire même loin.

Si cela se trouve et comme très souvent, Mr ou Mme Martin est dans un arbre et vous a vu arriver de loin et je vous assure qu’il n’est pas prêt de bouger. Il a une patience à toute épreuve.

Vous pouvez si cela est possible rester dans votre voiture. C’est ce que je fais quand cela est possible. Toutes vitres ouvertes pour écouter (éteignez votre auto-radio et votre téléphone).

L’attente commence, écoutez, observez, mettez vos sens en éveil. Je dirai qu’une heure est un minimum, deux heures c’est mieux pour être « sûr » de sa non présence. Pour sa présence, vous serez vite fixé. Un cri, un passage au raz de l’eau, un posé sur une branche, c’est gagné.

Si le lieu vous parait propice, réitérez vos observations, à différentes heures. Le martin pêcheur est actif toute la journée du lever au coucher du soleil. Avec quelques pointes d’activités, le matin de bonne heure en l’occurrence. En période de nourrissage des petits, c’est toute la journée, presque sans discontinuer.

Si suite à plusieurs séances d’observation, vous n’avez rien vu, et bien retour à la case départ, et recherche d’un autre endroit.

martin pêcheur

[ D3s + 300mm + TC2  f5.6  1/800  iso200 ]

Premières approches photographiques

Si vous décelez sa présence, c’est là que les choses commencent … « pardon elles ont déjà commencé » depuis vos premières recherches sur les cartes, même avant, dès votre première démarche, vous disant j’ai envie de voir un martin pêcheur .

Alors là, il va falloir «observer» «réfléchir» et se poser les bonnes questions.

  • A quel endroit se pose-t-il le plus souvent ?

Il y a toujours plusieurs postes de pêche ou de reposoir, déterminez celui qui est le plus intéressant (voir la suite).

Il existe les branches de pêche, et les reposoirs de passage. Je ne vous ferais pas l’affront de vous expliquer à quoi servent les reposoirs de pêche, par contre il y a des reposoirs de passage. Sur ces derniers vous verrez souvent Mr Martin se poser 10 secondes et repartir.

Une petite pause, où il peut rapidement regarder ce qui se passe aux alentours.

Vous pourrez également voir l’oiseau se poser sur un rocher, et pêcher.

2015-08-14 13-30-17 - GIL_1484

  • Est-ce que son nid n’est pas près de cet endroit ? (vous pourrez repérer le nid en période de nourrissage des oisillons au printemps et été)

Là c’est catégorique, on oublie et on ne s’approche pas !!

  • Es ce que dans cette ambiance, ce lieu, ce décor, je vais pouvoir faire une belle photo ?

Oui => je pense, je ne sais pas, il faut tester, là je laisse votre esprit créatif et artistique en juger. J’en parlerai néanmoins dans un chapitre un peu plus loin.

Non => alors profitez simplement de l’observation, du plaisir et vous apprendrez pour la suite.

Pour info, je connais beaucoup d’endroits où il y a des martins pêcheurs, mais beaucoup (une majorité) ne sont pas du tout photogéniques, trop de branches, lumière directe, mais j’y passe souvent juste pour observer les comportements et me faire plaisir.

Je vous conseille de passer beaucoup de temps à observer ! Ce sera du temps de gagné pour préparer vos affûts pour photographier le martin pêcheur.

Photographier le martin pêcheur

Le premier affût

Préparer et imaginer votre approche vers l’endroit où vous allez vous installer pour faire (ou pas) des photos .

On y arrive, et oui le martin pêcheur se photographie à l’affût ! Inutile de vous amuser à vouloir le photographier à l’approche. Cela arrive de temps en temps que vous puissiez rencontrer un oiseau peu farouche … ça arrive … ou pas.

[Note de Régis : pour en savoir plus, lisez mon guide sur la technique de l’affût]

Avant d’approcher de l’endroit où vous voulez vous installer, il est impératif de vérifier la non présence de l’oiseau !! N’arrivez pas comme un cheveu sur la soupe alors que le martin est sur sa branche tranquille !

Vous allez le déranger, le faire fuir, avec le risque qu’il quitte ce lieu définitivement. Dans le meilleur des cas , il vous faudra attendre un certain temps avant de le voir revenir.

Pour la distance entre vous et l’oiseau , cela dépend de votre matériel et de surtout quelle photo vous souhaitez faire !! c’est votre choix.

Personnellement, je préfère les photos d’ambiance , mais je fais aussi des gros plans. Mes photos sont prises entre 3 m et 20 m  (focale 300mm, 400mm, 600mm ( 24×36 ) ). Je dirais que ma distance moyenne est de 7 m.

Partez dans l’idée d’un affût d’une heure minimum et c’est un minimum. Comptez plutôt sur deux heures pour mettre toutes chances de votre coté (il n’y a pas de maximum).

L’idéal est de se mettre en place avant le lever du soleil … c’est l’idéal .

Vérifiez que l’oiseau n’est pas dans le secteur et installez-vous au plus vite. Il m’est arrivé, pendant que j’installais mon affût qu’il se pose sur la branche à dix mètres de moi … et là … il faut faire le mannequin du musée Grévin. 🙂

martin pêcheur

L’attaque de l’épervier [ D3s + 300mm   f4  1/640  iso200 ]

Matériel et technique d’affût

Le martin pêcheur à une vue incroyable ! Voilà je vous ai tout dis. 🙂

Au minimum il vous faudra un filet de camouflage. Et essayez de vous fondre dans la végétation.

Un trépied, pour éviter les mouvements et déplacements de l’appareil photo.

La tente affût est un confort (votre confort), elle permet de pouvoir bouger (un peu) à l’intérieur, boire un café quand il fait froid ou de l’eau quand il fait chaud (et encore plus chaud dans la tente).

La tente affût permet aussi d’être à l’abris de la pluie, neige, brume etc … Inconvénient, pas toujours pratique de la mettre où on veut. Je pratique les deux types d’affûts : filet et tente suivant les endroits. Une chose que j’ai remarquée, c’est que certains oiseaux acceptaient plus ou moins la tente affût dans le paysage, et que le filet passait mieux.

Idem qu’avec le filet ! Attention au déplacement de l’objectif , tous les déplacements de l’objectif doivent être très très très très lents. Je suis prêt à parier que vous vous ferez avoir .

Je vous conseille un petit tabouret (type tripode) pour être bien installé, car vous allez partir pour quelques heures d’affût. Si vous êtes avec le filet, mettez des gants (couleur neutre), les mains sont la première chose que les animaux repèrent. Une cagoule est également préférable.

Mettez-vous en place rapidement ! Ne passez pas deux heures à vous installer. Mettez tout votre matériel sous le filet ou dans la tente . Rien ne doit traîner à l’extérieur ! Je vous l’ai dis au début le martin pêcheur à une vue et un sens de l’observation incroyables! Un sac photo qui traîne et c’est cuit (j’ai testé pour vous).

Une fois en place, écouter, observer …. Un «plouf» est des fois un bon indice !

martin pêcheur

[ D3s + 300mm + TC2  f6.3  1/320  iso720 ]

Si votre sujet se pose à l’endroit que vous attendiez, « zen » restez « zen ».

Laissez passer un peu de temps avant de vous jeter comme un fou sur le déclencheur pour photographier le martin pêcheur. Il va dans un premier temps observer, sûrement regarder dans votre direction. Si votre objectif n’est pas tout à fait dans la bonne direction, ATTENDEZ ! Ne bougez pas.

C’est dans les premiers instants après qu’il se soit posé qu’il est le plus vigilant. Avec l’habitude vous comprendrez son comportement (ses hochements de tête très significatifs). S’il plonge pour pêcher, c’est que vous ne l’intriguez pas et c’est donc gagné (pour le moment).

Regardez son comportement au bruit du premier déclenchement … méfiez-vous. Si vous insistez trop, il aura vite fait de repartir.

Matériel et technique photo

Pour le matériel … Je dirais, faite avec ce que vous avez ! La focale : minimum 300 mm (en 24×36 ), 200 mm (en APS-C).

Si vous avez un mode silencieux utilisez-le.

Technique photo de base : je ne vous ferai pas ici un cours photo, mais voila rapidement comment je travail.

Mode Av pour gérer la profondeur de champ. Montez les ISO pour avoir une vitesse correcte (pas de flou de bougé sur trépied, mais à 300 mm je vous conseille 1/200 minimum juste par sécurité). Au décollage de l’oiseau, à 1/320 les ailes sont floues, donc 1/800 minimum pour l’avoir net en vol .

Sur trépied mettez la stabilisation de votre objectif sur OFF .

Je n’utilise presque jamais la rafale (Mode silencieux oblige). Seulement quand je veux faire une photo au décollage ou en action de pêche.

martin pêcheur

[ D3s + 300mm   f2.8  1/320  iso280 ]

Photographier le martin pêcheur : les photos

Réglez votre appareil et pensez cadrage, angle, lumière !

Faites des tests de photo «à vide» (sans le sujet). J’ai énormément de photos de branches sans rien dessus 🙂 mais cela me permet de peaufiner mes réglages et cadrages et de me donner une idée de la photo finale.

La lumière évolue, donc faites évoluer vos réglages en fonction de la lumière. Même si je ne fais pas de photos ce jour-là, je sais quel sera le potentiel pour la prochaine fois !

Soyez créatif, ayez votre propre regard, soignez inventif

Je vous encourage d’aller voir une petite vidéo (les coulisses) que j’ai faite de mon approche photographique et surtout artistique, sur le martin pêcheur sur mon blog  : la-genese-dune-photo-episode-1-martin-pecheur-mais-plus-encore/

[note de Régis : je vous y encourage aussi ! 🙂 ]

Martin pêcheur

[D4s + 300mm + TC1.4  f5.6  1/640  iso800 ]

Je vous remercie de m’avoir lu, et j’espère sincèrement que ces quelques indices pourront vous aider à rencontrer le petit oiseau bleu. Attention, photographier le martin pêcheur est addictif, mais quelle belle addiction. Je finirai simplement par ces quelques conseils :

Maîtrisez votre matériel, maîtrisez la technique de base de la photo. Osez la créativité ! Travaillez votre propre démarche artistique, plutôt que d’essayer de reproduire et surtout faites vous plaisir. 

Maintenant c’est à vous de jouer !

2015-09-01 18-50-09 - GIL_3761