L’invité

Jean-Marie Séveno lors du festival de Seichamps Nature (photo photo N. Diaquin)

Jean-Marie Séveno lors du festival de Seichamps Nature (photo photo N. Diaquin)

Jean-Marie Séveno est un jeune photographe animalier de 37 ans. Oui, il est jeune puisqu’il a le même âge que moi ! 🙂 Bon, par contre, il a bien plus parcouru le monde que votre serviteur puisqu’il a déjà posé ses valises en Arctique, en Écosse, en Norvège, en Alaska et plus récemment en Patagonie Chilienne.

Une fois arrivé dans ces destinations exotiques, Jean-Marie ne se dore pas la pilule au soleil (et il aurait bien du mal là où il va 😉 ). Non, il part à la rencontre d’animaux sauvages rares et bien souvent inaccessibles. L’ours kodiac, l’ours polaire, l’harfang des neiges, le bœuf musqué ou encore le rare loup arctique ont été photographiés par Jean-Marie.

Jean-Marie vient de sortir son tout nouveau livre « À la Rencontre du Puma » en auto-édition. Plus de 50 de photos magnifiques toutes issues de son récent voyage en Patagonie Chilienne. Pour le commander (25 €), il suffit de vous rendre sur la page de sa boutique. Vous pourrez évidemment lui demander lors de la commande de mettre une petite dédicace ! 🙂

Partez avec Jean-Marie sur le domaine du puma. Les yeux dans les yeux, dans la neige, à flanc de montagne, ce livre est une invitation à déambuler dans le Parc National Torres del Paine en quête du lion des montagnes. Une quête qui a amené Jean-Marie à croiser d’autres espèces telles que les caracaras, condors, moufettes et bien sûr les guanacos, les proies favorites du puma.

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Au sommaire de ce 29ème épisode de « Interview de Photographes Nature »

Voici ce que vous apprendrez dans ce podcast avec le photographe animalier Jean-Marie Séveno :

  • les débuts photo de Jean-Marie
  • pourquoi il ressent le besoin de se rendre dans des régions lointaines et isolées
  • comment il s’y prend pour organiser ses voyages
  • comment il ressent l’attitude des spectateurs devant ses photos
  • quel matériel photo Jean-Marie utilise
    • quel reflex
    • quels objectifs
  • quels sont les animaux qu’il préfère photographier
  • tous les détails de son voyage photo en Patagonie Chilienne
  • comment il gère sa relation avec un guide naturaliste local
  • quelles techniques photos il utilise pour des milieux enneigés
  • comment il gère la montée en sensibilité
  • la sortie de son nouveau livre photo
  • son actualité, ses prochaines expositions

Repères cités dans cet épisode

Le site internet de Jean-Marie Séveno

En savoir plus sur la Patagonie Chilienne

En savoir plus sur la Parc National Torres del Paine

En savoir plus sur le Puma (lion des montagnes)

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Retrouvez ci-dessous la transcription texte de l’interview

Aujourd’hui je vais vous faire découvrir un très jeune photographe animalier. J’insiste sur le très jeune parce qu’en fait il a mon âge, il vous le dira tout à l’heure, vous allez voir. Il s’agit de Jean-Marie Seveno. Même s’il reste attacher à sa Bretagne, c’est un photographe qui parcourt les contrées les plus lointaines et surtout les plus isolées pour partir à le rencontre d’animaux vraiment extraordinaires. Son dernier voyage, par exemple, était en Patagonie chilienne dans laquelle il a vu le lion des montagnes. Je vous laisse en sa compagnie. Bonne écoute à tous.

Régis Moscardini : Bonjour Jean-Marie.

Jean-Marie Seveno : Bonjour Régis.

Régis : Bienvenue à toi dans cette nouvelle interview d’Auxois Nature. On doit en être à la 26e ou 27e. Ça commence un peu à faire. Jean-Marie, j’aimerais que tu te présentes, s’il te plait, pour ceux qui nous écoutent puissent en savoir un peu plus sur toi.

Jean-Marie : J’ai 37 ans, je suis de Bretagne dans le Morbihan. Je suis actuellement photographe auto-entrepreneur. Ça fait à peu près 25 ans que je fais de la photo, plutôt axée photo animalière.

J’ai commencé en faisant beaucoup d’observations dans des réserves naturelles, où j’étais animateur nature tout simplement. Je faisais ça au cours de mes vacances scolaires. Ensuite, j’ai fait des stages un petit peu partout en France. De fil en aiguille, j’ai réussi à avoir un peu de matériel photo d’occasion. J’ai démarré de la sorte.

Régis : D’accord. Ça fait 25 ans que tu en fais, tu as 37 ans. Si mes calculs sont bons, tu as commencé à 12 ans.

Jean-Marie : A peu près.

Régis : Qu’est-ce qui fait qu’un gamin de 12 ans qui est en 6e, 5e soit passionné ? Moi j’ai toujours été plus ou moins passionné de nature mais la photo pour moi à cet âge-là ça me passait au-dessus. Qu’est-ce qui fait qu’à 12 ans un petit gamin puisse avoir envie de photographier la nature autour de lui ?

Jean-Marie : Tout simplement parce que depuis tout petit j’allais en forêt avec mes parents, parce qu’on est entouré de forêts ici. On est immergé en pleine nature. Ensuite, j’ai voulu apprendre ce qu’il y avait autour de chez moi, quelles étaient les espèces, ça m’intéressait.

La photo est venue en plus de l’observation. C’est-à-dire que c’était l’envie de ramener un peu des souvenirs, des témoignages de ce que j’avais vu. Des traces tout simplement.

Régis : C’est souvent ça. Pour les photographes animaliers, c’est souvent la même démarche, le même début. C’est-à-dire qu’on aime bien la nature. Et finalement on a envie de ramener des petites choses, ça se concrétise avec des photos. Ça peut être d’autres choses aussi.

Ça pourrait être des dessins par exemple, des croquis. Un grand nombre de tes photos ont été prises dans des pays vraiment reculés et sauvages, comme en Ecosse par exemple, dans les fjords ou encore en Arctique.

J’aimerais savoir si c’est un besoin pour toi de partir aussi loin et surtout dans des endroits vraiment sauvages comme ceux-là. C’est quoi, c’est un besoin pour toi ? Comment ça se fait que tu fasses des photos dans des endroits comme ça, aussi sauvages ?

Jean-Marie : Pourquoi ? Je ne me suis jamais vraiment posé la question. Peut-être avant tout parce que les espèces que je vais photographier, quand j’ai des projets, je me mets en tête de tenter de photographier une ou deux espèces maximum lors d’un séjour, après il y a toujours des plus.

Pourquoi dans des régions comme ça ? Peut-être l’isolement. C’est vrai que des pays comme l’Afrique, l’Inde m’ont toujours attiré. Mais ça me rebute toujours un petit peu d’être entouré de beaucoup de monde, que ce soit des photographes ou autres, peu importe leur fonction. Etre seul est un besoin d’apaisement. C’est vital en fait.

Régis : C’est, tu l’as dit, pour aller voir des espèces à photographier mais c’est aussi pour te ressourcer, pour te retrouver avec toi-même, être loin de la civilisation que tu côtoies au quotidien.

Jean-Marie : Voilà.

Régis : C’est plutôt une démarche comme ça. Forcément il y a la photo qui va derrière mais c’est presque avant tout une philosophie de vie et de voyage ?

Jean-Marie : Oui, c’est ça, complètement.

Régis : D’accord. Est-ce que tu pourrais définir un peu ton style photographique ? Je sais que ce n’est jamais très simple comme question. Mais je pense à quelqu’un comme Michel d’Oultremont qui  va plutôt s’orienter sur les ambiances, sur les environnements, d’autres qui vont être plutôt sur les portraits, d’autres sur le descriptif. Comment tu te définirais par rapport à ton style ?

Jean-Marie : Si je reprends un petit peu tes termes, je ne suis pas du tout sur le descriptif. Certes on reconnait bien les espèces. La plupart du temps, ce que je recherche avant tout c’est la suggestion. Je ne cherche pas à montrer, je laisse plutôt la place à l’imaginaire.

C’est-à-dire qu’est-ce qu’on peut imaginer à partir d’une photo, qu’est-ce que l’animal est en train de faire, qu’est-ce qu’il va faire, à quoi il pense. Ça implique beaucoup des photos où l’animal est un peu perdu dans son milieu. Pas perdu mais immergé dans son milieu.

Régis : Ça rejoint un petit peu ton état d’esprit à ce moment-là, c’est-à-dire que si je reprends les termes de te ressourcer et être un peu seul et loin de tout, j’imagine que tu as envie de retranscrire dans une image un peu ce que tu ressens et l’ambiance du moment ?

Jean-Marie : Complètement. C’est l’ambiance du moment, c’est l’état d’esprit du moment. Il y a différentes sources d’inspiration. En l’occurrence, c’est souvent ça.

Régis : Je reviens sur tes voyages, tes destinations parce que ça me fait toujours un petit peu rêver des grands pays exotiques comme ça. Quand je dis exotiques, je ne pense pas tout de suite à la chaleur forcément, mais loin de la France métropolitaine.

Je connais déjà un petit peu la réponse, mais tu pars sur un coup de tête, un coup de cœur, c’est un peu pour t’embêter, sur un prix discount d’une agence de voyages ou c’est sur un projet construit bien en amont ? Quelle est ta démarche pour tes voyages comme ça ?

Jean-Marie : C’est toujours construit très longtemps en amont. Tous les derniers séjours effectués, c’est des projets qui sont menés minimum un an à l’avance, c’est souvent même deux ans. Tout simplement parce qu’il faut trouver le budget mais en parallèle c’est également trouver les bons contacts sur place quand c’est nécessaire, et les meilleurs endroits possibles, c’est-à-dire pour observer telle ou telle espèce.

Régis : Ça veut dire beaucoup de recherches en amont du coup ?

Jean-Marie : Oui. Enormément. Parce que rien ne me dit que j’aurai l’occasion d’y retourner une seconde fois et donc je mets le maximum d’opportunités de mon côté.

Régis : Comment tu fais sans être sur place pour t’imaginer les lieux, pour voir les lieux, pour anticiper les éventuelles difficultés, pour anticiper ce que tu vas voir sur place ? Comment ça peut se concrétiser tout ça, ces moments de recherches ? Sur Internet ? Comment fais-tu ?

Jean-Marie : Oui. C’est énormément de recherches sur le Net mais c’est différentes sources qui se croisent et se recroisent. Si on cite mon dernier projet effectué concernant le puma

Régis : On va y revenir longuement tout à l’heure.

Jean-Marie : Mais juste pour la démarche, dans l’idée c’est une espèce que j’avais envie de photographier depuis longtemps. Si je trouve un reportage sur une chaine spécialisée qui est bien construit, je vais commencer à prendre des notes. Ensuite je vais prendre des notes que j’aurai trouvées sur le Net. D’autres sur des magazines. Je fais des recoupements.

Je vois si les périodes auxquelles j’ai envie d’y aller sont évoquées dans ces fameux reportages. Ensuite on essaie de trouver des contacts sur place. Ce n’est jamais évident parce que généralement les projets que je mets en place c’est des sujets qui ne sont pas beaucoup traités, notamment en France. C’est beaucoup de recherches en amont sur le Net, on va dire.

Régis : Donc évidemment tout ça, ça prend du temps. C’est une espèce de maturation du projet. Tu as une idée et après il faut que ça murisse dans ta tête tranquillement. Tu prends le temps de la réflexion d’abord, après tu prends le temps de compiler tout un tas d’informations. Evidemment tout ça, c’est assez indispensable. Tu photographies aussi près de chez toi en Bretagne ?

Jean-Marie : Oui.

Régis : Est-ce que tu as la même démarche, la même approche, la même sensibilité quand tu photographies chez tout ou quand tu photographies à des milliers de kilomètres ? Je ne sais pas, tu pourrais être plus stressé en voyage parce qu’il faut quand même que tu rentabilises ton déplacement. Est-ce que tu es aussi tranquille, est-ce que tu es pareil dans ta tête ? Comment ça se passe ? Est-ce qu’il y a une différence entre la photographie chez toi et celle qui se passe à des milliers de kilomètres ?

Jean-Marie : Non, moi je la conçois de la même façon. Par exemple, des renards autour de chez moi, il y en a. il y a des blaireaux, des choses comme ça. Je construis les projets, les photos de la même façon. C’est-à-dire que quand je dis je construis la photo, c’est que j’ai des images en tête, des ambiances que je m’imagine et que j’aimerais réaliser. Donc je prends le temps qu’il faut. Par exemple ça va me prendre deux ans pour faire une photo de renard comme je le souhaite. Mais c’est exactement la même approche que des espèces exotiques.

Régis : D’accord. Est-ce que tu sens après dans les expositions que tu fais ou même par rapport aux retours des  personnes à qui tu peux montrer tes photos, est-ce que tu sens une différence d’attitude, de comportement quand elles voient une photo de renard, de blaireau de chez toi ou quand elles voient une photo du puma, du lion des montagnes de Patagonie, est-ce que tu vois une différence d’attitude quand les gens voient ça ?

Jean-Marie : Il y a une différence pour les espèces qu’on va dire étrangères, qu’on ne voit pas chez nous, parce que, même si la photo n’est pas réussie, l’espèce en elle-même suffit à faire rêver parce qu’on n’a pas souvent vu cet animal-là auparavant ou des choses comme ça. Mais après dans la construction de la photo, les gens ne voient pas beaucoup de différences parce qu’on a les mêmes approches.

Régis : Tu crois qu’il faudrait être plus inventif, plus original, plus créatif sur des espèces de chez nous, des espèces autochtones parce qu’on voit tellement de photos de renards, de lapins. Est-ce que le photographe aurait intérêt à être un peu plus inventif sur ce type d’animal-là par rapport à des animaux plus exotiques qu’on voit moins souvent ?

Jean-Marie : Tout dépend de l’approche de chacun. Beaucoup de personnes apprécient juste d’avoir l’animal dans le viseur et de faire la photo. Moi je vais au-delà de ça mais c’est juste ma sensibilité. Je ne critique pas telle ou telle façon de faire. Moi ça ne m’intéresse pas du tout d’avoir un très beau renard devant moi avec un arrière-plan qui n’est pas beau.

Je n’ai pas envie de faire une photo pour faire une photo. Cette année, je n’ai pas fait une photo de renard par exemple. Moi, j’ai besoin du milieu qui va avec, j’ai besoin de l’ambiance. Quand je parle d’ambiance, c’est par exemple la nuit, j’aime beaucoup faire des photos crépusculaires. Par exemple pour des photos de blaireaux, je ne vais pas utiliser de flash. Je fais tout en lumière naturelle, avec le côté nocturne qui transparait avant tout et l’animal qui vient un peu ponctuer tout ça.

Régis : D’accord. On n’a pas parlé du matériel même si j’imagine que de ton côté ce n’est pas vraiment ce qui importe. N’empêche  que ça fait partie de l’équipement du photographe. Tu es en quoi, Canon, Nikon ? Quel est ton équipement de base avec lequel tu sors souvent ?

Jean-Marie : 98% ou 99% du temps, c’est en Nikon de toute façon, même les 1 ou 2% restants. C’est un reflex pro, c’est un D3S et autrement un 500 mm. J’utilise également d’autres objectifs mais c’est vrai que la combinaison du reflex et du 500 me plait particulièrement parce que ça rejoint, le 500 c’est un grossissement de 10 fois.

Régis : J’aurais pensé que tu aurais eu une moins grande focale de manière à pouvoir plus retranscrire des ambiances brumeuses par exemple. Je t’aurais vu avec une focale plus courte pour retransmettre les ambiances particulières de certains plans.

Jean-Marie : Ça m’est arrivé d’utiliser un 70-200, avant j’utilisais un 300 aussi. Mais moi je préfère le 500.

Régis : D’accord. Parmi tous les animaux que tu as rencontrés, est-ce qu’il y a une rencontre qui t’a vraiment plus marqué que d’autres que ce soit en France ou ailleurs ? Est-ce qu’il y a un moment vraiment particulier dont tu te souviens ?

Jean-Marie : Sans être prétentieux, il y en a pas mal, c’est ça le problème. Pour ce qui est au niveau local, j’ai envie de parler des blaireaux parce que c’est juste à côté de chez moi, j’y vais à vélo. C’est toujours génial. On y va pendant deux mois et tous les soirs les blaireaux sont là.

Jamais ils ne m’ont capté. Les photos je pouvais en faire tous les soirs. Ça c’est génial. Il n’y a pas de dérangement, on est vraiment à côté de chez soi. A côté de ça, j’ai fait des rencontres vraiment intéressantes avec des gypaètes barbus aussi dans les Alpes. J’ai eu le privilège de voir des loups arctiques. Ça c’est des rencontres assez magiques.

Régis : Il y a évidemment la rencontre quotidienne avec les blaireaux mais ce n’est pas l’exotisme de l’espèce, c’est le fait de pouvoir y aller  tranquillement, de savoir que l’on ne dérange pas. Après, il y a forcément la rencontre unique, rare, qu’on imagine tous et qui fait plaisir. On va en parler tout de suite parce que c’est vraiment un sujet qui m’intéresse beaucoup. Tu as effectué un voyage il n’y a pas très longtemps. Ça fait combien de temps que tu es parti en Patagonie chilienne ?

Jean-Marie : C’était au mois de juin.

Régis : C’est tout récent.

Jean-Marie : Le mois de juin, là-bas, c’est l’hiver.

Régis : Combien de temps tu es parti ?

Jean-Marie : Je suis parti 3 semaines sur place.

Régis : Tout seul ?

Jean-Marie : Tout seul, oui. Pas d’organisme.

Régis : Tu as tout préparé en amont ?

Jean-Marie : Voilà. J’avais un guide sur place, c’est un naturaliste, un local.

Régis : Vous parlez anglais dans ces cas-là ?

Jean-Marie : Oui, là c’était en anglais. Je ne suis pas bilingue mais je me suis bien fait comprendre. On s’est bien compris tout de suite, on avait la même démarche naturaliste, à savoir voir l’animal c’est une chose, le photographier c’en est une autre. On ne va pas aller jusqu’à stresser l’animal pour faire la photo.

Je ne supporte pas ça, je ne peux pas faire de photo si je sens que l’animal est dérangé. C’est ça qui était intéressant, c’est qu’on était dans la même démarche naturaliste.

Régis : Tu partais là-bas pour un but, c’était de pouvoir voir et éventuellement, si les conditions s’y prêtaient, pouvoir photographier le puma. Est-ce que le puma de là-bas, d’Amérique du Sud, c’est le même puma, le couguar, celui d’Amérique du Nord, également ?

Jean-Marie : C’est le même. Il y en a de la Colombie britannique, c’est-à-dire le nord du Canada, jusqu’au Chili. C’est la même espèce. Principalement dans les Rocheuses et dans les Andes. Après, les différences sont uniquement des différences physiques puisque les plus gros sont dans les montagnes, donc dans les Rocheuses et au Chili.

Au Chili, ce sont vraiment les plus gros. On peut en trouver en plaine aux Etats-Unis. Pourquoi le Chili ? Parce que c’était l’hiver et parce qu’il y avait peu de chance de voir du monde.

Régis : Tu voulais vraiment avoir le puma dans la neige ? Tu avais des photos déjà en tête ?

Jean-Marie : J’en rêvais. Je n’y croyais pas trop parce que je savais que pour moi c’était très difficile déjà de voir un puma, donc c’était davantage de l’ordre du rêve d’en voir dans la neige.

Régis : Est-ce que tu avais fait des recherches en amont d’autres photographes, qu’ils soient Français ou Anglo-Saxons, qui avaient aussi photographié le puma là-bas, ou tu t’étais gardé de tout type de photo de cet animal-là pour ne pas te polluer l’esprit de photos qui avaient déjà été faites ? Comment tu as fait ?

Jean-Marie : J’ai vu des photos de certains photographes mais ce n’est pas pour autant que ça va m’orienter. Oui et non. Je ne cherche pas du tout à les copier. En l’occurrence, les photos que j’ai vues étaient belles, vraiment intéressantes mais ça ne correspondait pas du tout à mon style.

C’était juste une façon pour moi de me dire que c’est jouable, qu’il y a des possibilités. Maintenant  est-ce que je réussirai à en voir dans les conditions souhaitées, c’est encore autre chose. Parce qu’à chaque fois, ce que j’ai pu voir, c’était des pumas sur des carcasses ou sur des proies fraichement tuées, ou dans des végétations assez luxuriantes.

Régis : Donc difficile à photographier.

Jean-Marie : Voilà. Ça signifiait qu’il y en avait bien dans la région que j’avais choisie mais pas forcément dans les conditions. Ça allait dépendre de pas mal de facteurs.

Régis : En gros, tu aurais pu les photographier mais en étant loin de ton style parce que là du coup ça aurait été des photos très descriptives, naturalistes et qui ne t’auraient pas satisfaites au niveau photographique.

Jean-Marie : Oui, c’est ça.

Régis : Dans ces cas-là, j’imagine que la coopération avec le guide, que tu connais à peine, est primordiale. C’est-à-dire que tu dois lui faire comprendre que toi, tu veux ce type de photos-là, et donc il doit t’emmener dans des endroits possibles pour avoir un fond qui soit intéressant, pour avoir une lumière qui soit intéressante. Comment ça se passe l’interaction entre toi photographe et lui guide ?

Jean-Marie : Le milieu était beau partout, donc ce n’était pas un souci d’avoir un bel arrière-plan. La lumière, moi je me débrouille avec ça. C’est sûr que c’est mieux le matin ou le soir. Mais il se trouve que le puma, de nature, il est plutôt crépusculaire, plutôt nocturne, donc on va le voir au crépuscule et à l’aube principalement.

Le reste du temps il dort, donc c’est quasiment impossible de le voir. Pour ce qui est de la relation avec le guide, je lui ai dit ce que je souhaitais faire. Mais honnêtement les premières étapes, si l’on peut parler comme ça, c’était simplement de voir, de tenter de voir. Après, je me débrouillais pour les conditions photo. Puisque lui il est vraiment naturaliste, il n’a pas la démarche photographique. Je préférais vraiment le laisser faire son boulot et je me débrouillais après. Je lui expliquais que je préférais aller à tel endroit ou à tel endroit, sur la droite ou sur la gauche si tant est qu’il est possible de se déplacer autour d’un puma, si on en voit. Voilà comment ça s’est opéré.

Régis : D’accord. Est-ce que ces animaux-là, ça pourrait être comme des animaux très farouches comme ceux qui sont chez nous parce qu’eux ils sont chassés, ils ont vraiment peur de l’homme parce qu’ils sont chassés depuis des millénaires, ou comme ils ne voient jamais personne, est-ce qu’ils n’ont peut-être pas peur de l’homme parce qu’ils ne nous associent pas à une menace ? Quelle est leur relation par rapport à nous, humains ?

Jean-Marie : Là où j’étais c’était dans un parc national, en l’occurrence le parc national Torres del Paine, c’est à peu près la même gestion que les parcs nationaux français. Mais il y a quand même du monde. Autant au mois de juin, je n’ai vu personne, simplement parce que c’est l’hiver et que toutes les infrastructures sont fermées, autant l’été là-bas, c’est-à-dire décembre, janvier, février, il y a énormément de touristes.

Il y a à peu près 200.000 touristes. Les animaux restent très discrets, ils sont bien présents mais ils sont très discrets. Donc il n’y a pas grand monde à les voir. Je connais des personnes qui se sont rendues à plusieurs reprises là-bas qui ne l’ont jamais vu.

Régis : As-tu réussi à faire les photos que tu imaginais, celles que tu souhaitais, celles que tu avais en tête avant ton départ ? En gros, est-ce que tu es déçu ou satisfait de ton voyage là-bas ?

Jean-Marie : Plus que satisfait.  J’ai réussi de nombreuses observations et de nombreuses photos, bien plus que ce que j’aurais espéré. En plus dans des conditions de neige comme on en parlait tout à l’heure, ou de brume, c’était vraiment super. En plus j’ai réussi à associer avec un milieu assez graphique, ce que je recherche avant tout. Pour tout ça, c’était réussi.

En même temps, c’était un voyage très compliqué physiquement parce qu’on n’arrête pas de marcher, tout le matériel sur le dos, le téléobjectif qui est toujours sorti prêt à réagir. C’est assez physique, beaucoup plus que ce que j’ai pu vivre en Arctique, alors que je faisais beaucoup de kilomètres aussi. C’est peut-être aussi pour ça qu’au final c’est encore plus positif.

Parce que c’était compliqué mais au moins on mérite la photo. On n’est pas dans 4×4 à suivre une piste et à attendre que l’animal croise la piste du 4×4. Là on est au contact direct. On suit des traces. On écoute les guanacos, c’est une sous-espèce de lamas, dont se nourrit le puma. On écoute le guanaco parce que quand il est en alerte, il émet un son particulier qui fait qu’on sait qu’il y a potentiellement un puma dans les parages.

Ce n’est pas parce que c’est une zone où il y a l’animal recherché qu’on va en voir. C’est à nous aussi de le chercher. Il faut suivre les indices, il faut suivre les traces, il faut se placer par rapport au vent, il faut accepter le fait que certains individus sont tolérants et d’autres pas du tout, qu’une mère avec ses petits elle ne va pas se laisser approcher, voire même on ne la verra jamais.

Même si au final j’ai vu des femelles avec des petits, j’ai vu des pumas en train de se nourrir, j’ai vu des pumas qui s’approchent de moi à moins de 10 mètres, j’en ai vu d’autres aussi très farouches qui, à 600-700 mètres, étaient déjà aux aguets. Dans ces cas-là, je ne cherche même pas à les approcher.

Régis : Pour toi, tu sais que c’est fini ?

Jean-Marie : Oui.

Régis : Tu ne sors même pas l’appareil photographique ?

Jean-Marie : L’appareil photo reste en mode off et je me contente des jumelles. Ça me suffit amplement. Savoir que j’ai un animal aussi prestigieux devant moi, même si je ne peux pas le photographier, ça reste dans la tête.

Régis : Bien sûr. Techniquement maintenant, même si 99 ,99% des gens qui nous écoutent, j’en fais partie, ne pourront pas appliquer ça pour le puma, techniquement par rapport à des animaux qui sont un peu lointains, dans des conditions difficiles, manque de lumière, il y a de la neige,  comment tu fais techniquement ? Est-ce qu’il y a de grands principes à respecter pour ce type de photos-là ?

Jean-Marie : C’est vrai que lorsque c’est en milieu enneigé, en principe on surexpose un petit peu.

Régis : Pourquoi ? Est-ce que tu peux expliquer pourquoi il faut surexposer systématiquement sur la neige ?

Jean-Marie : Parce que, comme on est sur une surface claire, l’appareil photo aura tendance à sous-exposer légèrement.

Régis : Il se fait un peu berner par la neige ?

Jean-Marie : Voilà. Mais il faut faire attention, je parle par expérience, quand on se retrouve avec un puma qui est assez proche de soi dans la neige, si on le surexpose, il va devenir trop clair, donc dans ces cas-là, je me remets à une exposition standard, à 0, même -0.3, ensuite je laisse faire l’appareil. Ça, c’est pour ce qui est de l’exposition. Autrement techniquement, toujours faire en sorte qu’on est une vitesse minimum.

Régis : Pour figer le mouvement ?

Jean-Marie : Complètement. Je me mets la plupart du temps en priorité ouverture avec l’ouverture maximum. Là sur mon 500, j’ouvre à 4. De temps en temps, en manuel, notamment lorsqu’on est dans des ambiances assez nocturnes, assez sombres où là je vais opter pour une certaine sensibilité. Ensuite je vais choisir mon ouverture et ma vitesse.

Régis : Il n’y a pas de grandes difficultés, évidemment il faut quand même maitriser son matériel, mais il n’y a pas de grandes difficultés. Tu montais pas mal en sensibilité ou pas, ou la neige rajoutait un peu de lumière à l’ambiance ou tu étais forcé de monter en sensibilité quand même ?

Jean-Marie : Non, lorsqu’on est sur la neige, on n’est pas forcé de monter en sensibilité. Sur la neige, maximum c’était 800 iso, 1000 quelquefois. C’est beaucoup sans l’être. Beaucoup quand on compare avec les sensibilités des appareils argentiques. Mais au niveau du numérique maintenant on peut monter largement en sensibilité.  Ce n’est pas un inconvénient.

Régis : Il ne faut pas s’en priver. Donc tu as fait des photos. J’en ai une sous les yeux qui est sublime. Pour l’animal, on s’oriente plus naturellement par notre culture, nous, en France vers le renard par exemple ou vers des félins type Afrique, la savane africaine, le léopard, le lion, même le tigre dans les pays asiatiques.

On est plus attiré par ça, le puma on le connait beaucoup moins. J’ai une photo de toi sous les yeux, de ce que tu as fait, c’est vraiment un superbe animal  qui a un pelage d’une densité, j’ai l’impression, une queue qui est superbe. C’est vraiment un bel animal, un très beau félin.

Jean-Marie : Il y a l’attitude générale de l’animal mais il y a son regard aussi. Moi je me souviendrai toujours quand il me regarde droit dans les yeux avec ses yeux vert émeraude.

Régis : C’est exceptionnel ?

Jean-Marie : Oui. Puis quand on le voit se déplacer avec, comme tu dis, la fourrure très dense, c’est magique.

Régis : C’est magique, c’est sûr. Je pense que, tant mieux pour lui, nous Français occidentaux, c’est un animal qu’on connait moins, dont on parle moins quand on compare aux animaux de la savane africaine.

Jean-Marie : C’est ce que je disais tout à l’heure, je ne cherche pas forcément à aller vers des espèces très connues. Avant tout, c’est le cœur qui parle. C’est égoïste mais on se fait plaisir.

Régis : Oui, c’est égoïste mais c’est humain, c’est normal.

Jean-Marie : Pas si égoïste que ça puisque je les partage aussi. C’est une manière de témoigner de ces espèces-là, de faire de la photo. Oui, on a vu et revu des photos de lions, on a vu et revu des photos de tigres. J’en rêve aussi. Mais je voulais faire quelque chose de nouveau.

Régis : Tu as édité un livre tout récemment également. Est-ce que tu peux nous en parler ? Comment on fait pour l’acheter tout simplement ? Comment ça se passe ?

Jean-Marie : Effectivement j’ai édité ce livre, il est en cours d’impression. Il va sortir tout début octobre. Ça s’appelle « A la rencontre du puma ». Autoédité. Pour le commander, via mon site.

Régis : Vous pouvez aller le voir tout de suite sous le petit bouton de lecture sur la page du blog, j’ai mis le lien de la boutique pour aller voir le livre de Jean-Marie.

Jean-Marie : On peut voir aussi quelques photos sur le site. Je vais en mettre très prochainement. Il n’y a rien de plus simple. Soit de cette façon, soit en venant me rencontrer sur les festivals auxquels je vais participer cet automne.

Régis : Là, on est au mois de septembre 2015. Le prochain que tu vas faire, ce sera lequel ? Et jusqu’à la fin de l’année ?

Jean-Marie : Il y aura Rambouillet, le festival de la photo de Rambouillet du 2 au 4 octobre. J’espère avoir le livre, on n’est pas sûr à 1 ou 2 jours près. Sinon juste après, du 9 au 18 je serai à Namur en Belgique. En principe là, j’aurai le bouquin. J’aurai également, pour parler des plus gros festivals, le festival de Montier-en-der fin novembre du 19 au 22. Au cours de ces festivals, je ne vais pas présenter d’expo sur le puma, ce sera sur l’ours kermode.

Régis : Ce sera trop tôt par rapport aux tirages que tu voudrais faire ?

Jean-Marie : Oui, trop tôt. Et je ne pouvais pas me permettre de faire plusieurs expos en même temps d’un point de vue financier. Le choix a été fait en début d’année. C’était sur l’ours kermode. Je ne savais pas encore si j’allais réussir des choses sur le puma. Je sors le livre, simplement parce que j’ai réussi ce que je souhaitais. L’expo, peut-être l’année prochaine.

Régis : D’accord. Par rapport au livre, tu dis qu’il est en cours d’impression. Est-ce qu’on peut l’acheter maintenant ou il faut attendre un petit peu ?

Jean-Marie : Oui, on peut l’acheter maintenant. Je prends note de toutes les réservations, je les envoie dès que je les ai.

Régis : Est-ce que tu fais des dédicaces ?

Jean-Marie : Oui, bien sûr. Il suffit juste de me le demander. Mais même si on ne me le demande pas,  généralement je mets un petit truc. Les expos, ce sera sur l’ours kermode. Mais je ferai des conférences sur le puma. Parce qu’à Montier il y aura une conférence dédiée à la Halle aux blés le dimanche.

Régis : Merci beaucoup, Jean-Marie. C’était très intéressant. J’ai appris, et je suis sûr que ceux qui nous écoutent ont aussi appris plein de choses à ton écoute.

Jean-Marie : Merci à toi.