Au sommaire de ce 45ème épisode

Voici ce que vous apprendrez avec Philippe Garcia dans ce podcast « Photographier le renard polaire« . Cliquez sur le temps entre crochets pour accéder directement à la partie qui vous intéresse.

  • [2:20] La biographie de Philippe Garcia
  • [3:35] Similitudes entre photo de sport et photo nature
  • [5:40] Le matériel photo utilisé par Philippe (300 f/2.8)
  • [11:00] Ses accessoires photos
  • [13:25] Bien paramétrer son boitier en amont
  • [14:40] Son livre photo : Melrakki (le renard polaire)
  • [16:20] Connaitre le renard polaire
  • [18:10] Comment résiste-t-il à des -70°C ?
  • [21:00] La couleur de son pelage
  • [23:40] Est-il en danger d’extinction ?
  • [28:00] Techniques pour repérer le renard polaire
  • [31:12] Quels réglages du boitier ?
  • [32:40] Comment gérer les gros contrastes d’exposition ?
  • [34:50] Quelles attitudes du renard polaire à photographier ?
  • [37:40] Anecdote sur le renard polaire
  • [41:08] Les livres de Philippe Garcia
  • [43:10] Choisir son papier photo pour un livre
  • [47:20] Son attirance pour l’Islande
  • [49:20] Les séjours organisés par Philippe en Islande

Repères cités dans cet épisode

Vous avez aimé cet épisode pour apprendre à photographier le renard polaire ? Partagez cette interview sur Facebook en cliquant ICI, c’est le meilleur moyen de faire connaitre les photos et le travail de Philippe. Merci ! 🙂

L’invité

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Pour ce 45 ème épisode, je reçois le photographe animalier professionnel Philippe Garcia.

Philippe Garcia est un photographe spécialisé dans les photos de sport et naturalistes. Il a écrit de nombreux livres photo. Certains sont devenus des références dans le domaine de la technique photo et dans l’apprentissage de son boitier reflex.

Il a fait l’objet de publications dans de nombreuses revues photo prestigieuses, dont Nat’Images ou Images et Nature. Ses images ont aussi été exposées dans des festivals photo de grande renommée comme ceux de Namur ou Montier-en-Der.

Son dernier livre est ce qu’on appelle un beau livre : il s’agit de Melrakki, un livre de belles images entièrement dédié au renard polaire.

Enfin, Phil (vous pouvez l’appeler comme ça ! 🙂 ) organise de fabuleux séjours photo en Islande.

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Quelques photographies de Philippe Garcia

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Photographie de Philippe Garcia © tous droits réservés

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Photographie de Philippe Garcia © tous droits réservés

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Photographie de Philippe Garcia © tous droits réservés

renard-polaire-philippe-garcia6

Photographie de Philippe Garcia © tous droits réservés

renard-polaire-philippe-garcia6

Photographie de Philippe Garcia © tous droits réservés

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Photographie de Philippe Garcia © tous droits réservés

renard-polaire-philippe-garcia6

Photographie de Philippe Garcia © tous droits réservés

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Photographie de Philippe Garcia © tous droits réservés

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Photographie de Philippe Garcia © tous droits réservés

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Photographie de Philippe Garcia © tous droits réservés

Transcription texte de l’interview

Régis : Bonjour Philippe.

Philippe : Bonjour Régis.

Régis : Comment vas-tu ?

Philippe : Ça va très bien. Merci.

Régis : Est-ce que tu permets que je t’appelle Phil tout au long de l’interview, parce que j’ai remarqué que tout le monde autour de toi t’appelait comme ça ?

Philippe : Oui, bien sûr, tu peux m’appeler Phil. On s’est déjà appelé comme ça je crois. Il n’y a pas de problème.

Régis : Super. Ça sera plus convivial comme ça. Je suis très content de te recevoir dans l’émission. C’est vrai que je dis ça à chaque fois, à toutes les personnes que j’interviewe, mais c’est vraiment sincère. On s’est rencontré sur le stand de l’Agora du Net au Salon de la photo à Paris.

On s’est dit qu’on devait absolument faire une interview ensemble. C’est ce qu’on est en train de faire donc c’est vraiment chouette. On va évidemment longuement parler de ton projet photo qui est lié au renard polaire que tu as photographié en Islande. Je préviens les auditeurs, il ne faut pas arrêter l’écoute maintenant en vous disant que le renard polaire ne vous intéresse pas parce que c’est vraiment trop loin, trop exotique et inaccessible.

Vous apprendrez quand même beaucoup de choses, beaucoup de conseils sur la prise de vue. Ça sera aussi l’occasion, et ça ce n’est pas futile, de voyager virtuellement mais de voyager quand même. On va commencer avec la première question qui est traditionnelle sur l’interview. J’ai très envie de connaitre ton parcours photo.

La biographie de Philippe Garcia

Qu’est-ce qui t’a amené à démarrer la photographie ? Dis-nous Phil d’où vient ta passion pour la photo nature.

Philippe : Tout simplement, je suis né dans les Pyrénées, dans un petit village. J’ai toujours été très proche de la nature forcément. Mon père, mon oncle étaient chasseurs, ils étaient tout le temps dans la nature.

Mon oncle faisait des photos également. Il m’a un peu transmis son virus, et surtout il m’a permis d’accéder à son matériel quand j’ai débuté. C’est comme ça que j’ai commencé tranquillement. En fait, l’animalier c’est ce qui m’a attiré en premier.

Régis : C’est vrai que c’est assez souvent ce genre de réponses que l’on a et ça parait logique aussi. C’est le fait de baigner plus ou moins jeune dans ce milieu-là. Forcément ça peut créer des vocations. C’est le cas pour beaucoup de monde. Tu pratiques autant la photo nature que la photo de sport. Est-ce qu’il y a des similitudes, des techniques similaires entre ces 2 types de photos.

Philippe : Oui, tout à fait. Donc je pratique la photo de sport, notamment tout ce qui est sports extrêmes, le VTT, le ski, les choses comme ça, beaucoup de sports de montagne. Effectivement il y a beaucoup de points communs.

D’une part l’emploi des objectifs qui sont souvent des longues focales, même si ce n’est pas toujours exactement les mêmes focales qu’on utilise en animalier et en sport, mais c’est plutôt des longues focales.

Donc ça permet d’être à l’aise avec ce genre de matériel. Puis quand on fait de la photo en montagne, que ce soit de la photo nature ou de la photo sportive ou tout type de photo qu’on peut faire dans ces conditions-là, on a aussi la connaissance du milieu, le placement sur le terrain, choisir ses angles en fonction de la pente, en fonction de plein de choses, qui sont utiles toujours de pratiquer que ce soit dans une discipline ou dans l’autre.

Régis : Sur le matériel, on a bien compris que c’était grosso modo la même chose, par rapport aux longues focales notamment. J’imagine aussi que sur le reflex, on a plutôt intérêt à avoir un reflex qui soit plutôt véloce et qui supporte pas mal les chocs, en tout cas les conditions extérieures ?

Philippe : Les chocs on évite mais on retrouve les mêmes caractéristiques entre les reflex qui sont bons en photo de sport et ceux qui sont bons en photo animalière. C’est généralement le même type de matériel avec un bon autofocus et une bonne rapidité de rafale.

Régis : D’accord. Est-ce que c’est ton métier la photographie ?

Philippe : Oui, absolument. 

Régis : Photo de sport et photo nature, tu essaies d’avoir un mix des deux ?

Philippe : Oui, je fais plusieurs types de photos, essentiellement du sport et de la nature effectivement. Mais ça m’arrive aussi de faire quelques portraits ou d’autres petits travaux qu’on peut me demander. Des photos en studio notamment.

Son matériel photo

Régis : On se rapproche tout doucement du renard polaire. Mais juste avant je voudrais que tu fasses l’inventaire de ton matériel photo. En gros qu’est-ce qu’il y a dans ton sac ?

Philippe : Dans mon sac il y a deux boitiers Canon, parce que je travaille en Canon depuis très longtemps. En ce moment j’utilise un 5D Mark III et un 7D Mark II. J’ai choisi ces deux appareils parce qu’ils me permettent d’une part d’avoir les deux formats de capteurs.

Régis : Quand tu parles de formats de capteur, c’est format APS-C et un capteur plein format ?

Philippe : Tout à fait. Ça me permet avec un seul objectif d’avoir deux variations de focales différentes. J’ai choisi aussi ces deux boitiers parce qu’ils sont compatibles et ils sont très proches en termes de design, en termes de poids et de batterie également. Comme je voyage beaucoup, le fait d’avoir deux boitiers qui sont plutôt légers et qui utilisent les mêmes batteries, ça me permet de voyager plus léger.

Régis : La photographie animalière et la photographie en général est une passion qui peut vite couter cher. C’est Noël bientôt, on pense aussi à des achats, mais est-ce que c’est vraiment un bel atout que d’avoir deux boitiers ?

J’imagine que dans la situation où il faut changer l’objectif rapidement, le fait d’avoir deux boitiers donc deux objectifs différents montés sur l’un et sur l’autre permet d’être plus réactif. Est-ce que tu confirmes ça ou ce n’est pas forcément nécessaire ?

Philippe : Oui, tout à fait. Ça permet dans certaines situations où l’on peut se préparer à l’avance d’avoir deux focales différentes prêtes à shooter. Ça permet aussi quand on voyage, quand on part de longues périodes à l’étranger comme moi, de partir avec deux boitiers au cas où il y aurait un des deux qui aurait un problème. C’est toujours plus rassurant d’en avoir deux.

Régis : Bien sûr. Mais après c’est forcément un cout. On peut considérer que le deuxième boitier peut être acheté d’occasion ou d’être d’une gamme un petit peu en dessous  que le premier. Ça peut aussi être envisagé comme ça.

Philippe : Dans mon sac, tu vas trouver un 16-35 de chez Canon, ça c’est pour les paysages, tu trouveras un 50mm 1.4 qui sert à plein de choses et qui ne pèse pas grand-chose, donc je l’amène très souvent.

J’ai un 100 macro que j’amène de temps en temps mais pas toujours, pour faire un peu de macro, voire quelques gros plans, intéressant parfois quand j’ai des très bonnes proximités. J’ai ensuite un 70-200 qui ouvre à 2.8 et enfin un 300 qui ouvre à 2.8. Ce sont les deux focales qui j’utilise le plus couramment.

Régis : Donc ta focale maximum, tu viens de le dire, c’est une 300mm qui ouvre à 2.8. On penserait plutôt te voir avec un 500/f4, tout à fait le genre d’objectif qu’on peut voir chez les photographes professionnels de nature et animaliers. Au-delà du prix, qu’est-ce que tu apprécies sur le 300mm qui fait que tu n’as pas un 500 par exemple ?

Philippe : Ce que j’apprécie surtout c’est l’ouverture à 2.8 qui me permet d’avoir des fonds flous de très bonne qualité et qui me permet de shooter avec très peu de lumière. C’est le premier point. Après, c’est vrai que ça procure moins d’allonge qu’un 400 ou qu’un 500.

L’intérêt de shooter avec un 300 mm

Régis : C’est plus discret donc ?

Philippe : C’est plus discret, ça reste surtout beaucoup plus compact et beaucoup plus facile à transporter, à utiliser à main levée parce qu’avec les sujets que je travaille, je ne fais pas beaucoup d’affût, donc je suis souvent à main levée. Avec le 300/2.8, on peut bien travailler à main levée. J’ai une très bonne qualité optique.

Surtout ce qui est déterminant dans mon choix, il y a beaucoup de photographes animaliers qui vont toujours rechercher à faire des gros plans de animaux et moi ce n’est pas vraiment mon cas, moi j’aime bien faire des photos avec des plans un peu plus large, avec des plans où on voit le paysage et l’animal dans le paysage. Je m’accoutume tout à fait du 300.

Quand l’animal est un peu trop loin, j’en profite pour essayer de composer avec le paysage qui est autour.

Régis : C’est intéressant comme point de vue parce qu’on a plutôt tendance à réfléchir, à penser avec la course à la focale, c’est-à-dire avoir le plus longue focale possible, ce qui peut être intéressant quand on photographie des animaux qui sont assez farouches. Mais il faudrait parfois aussi penser à la course à l’ouverture.

C’est vrai que l’ouverture à f/2.8 c’est formidable. On pourrait penser qu’entre f/2.8 et f/4 il n’y a pas une grande différence, en fait ça fait vraiment une belle différence. Quand on est dans un environnement très sombre, de pouvoir ouvrir à f/2.8, ça change vraiment la photographie.

Philippe : Oui, tout ça fait. C’est très rare que j’utilise mon 300 plus fermé que f/4. Je l’utilise pratiquement tout le temps entre f/2.8 et f/4. Si j’étais limité à f/4 ça me limiterait.

Régis : Des accessoires, un petit peu ? J’imagine le trépied quand même. Autre chose ?

Philippe : Oui, bien sûr le trépied avec une rotule pendulaire, pour tous les cas où je suis en affût, en point fixe. Ce que j’utilise le plus souvent parmi mes accessoires, c’est quand même la housse anti-pluie parce qu’en Islande on a quand même pas mal de jours de pluie.

Comme j’aime bien ces ambiances un peu brumeuses, un peu pluvieuses, il est absolument impossible que je m’empêche de shooter ces jours-là. Donc pour sortir ces jours-là j’ai besoin d’une bonne housse.

Régis : Au niveau ergonomie, j’ai une housse également, je l’utilise parfois, je trouve qu’on a moins facilement accès aux boutons, la lisibilité est beaucoup plus difficile sur l’écran arrière. Comment tu gères ces difficultés-là ?

Philippe : Je suis assez habitué à shooter avec. Les boutons je les retrouve assez naturellement puisque je mets mes mains sous la housse. J’ai une housse dans laquelle on peut passer les mains à l’intérieur, donc les boutons, même si je ne les vois pas, je sais où ils sont, je les trouve au toucher.

Après c’est vrai qu’on ne peut pas tellement avoir accès dans de très bonnes conditions aux écrans, on ne peut pas vérifier en permanence si sa photo est bien exposée ou mal exposée, on ne s’en rend pas bien compte. On jette un œil à l’histogramme de temps en temps, on prend le risque éventuellement d’avoir fait une petite erreur de réglage.

Bien connaitre son appareil photo

Régis : Je retiens le conseil que tu donnes en filigrane. Il faut vraiment connaitre son matériel sur le bout des doigts, ce n’est pas forcément difficile. Quelques fonctions de base, celles qu’on utilise le plus souvent. Connaitre sur le bout des doigts, ce n’est pas au sens figuré, c’est au sens propre.

Comme tu l’as dit, savoir où vont les doigts, sur quel bouton, sans avoir à regarder, ça s’apprend à force de photographier. Il faut s’entrainer très régulièrement, c’est souvent le point qui fait la différence.

Philippe : Si je peux me permettre, ce qui est intéressant aussi, c’est de bien paramétrer son boitier, notamment tous les boutons qui permettent d’avoir des fonctions personnalisées ou de personnaliser une fonction sur tel ou tel bouton. J’ai plusieurs boutons comme ça qui me servent de raccourcis entre guillemets sur certaines fonctions.

Effectivement c’est intéressant de bien avoir l’habitude, de bien maitriser toute la gestuelle qui est liée à la prise de vue.

Régis : Tu sais de quoi tu parles parce qu’on en parlera à la fin de l’interview, tu as sorti deux livres aux Editions Eyrolles sur comment bien utiliser son Canon EOS 80D, et aussi son Canon EOS 750 et 760, c’est bien ça ?

Philippe : Oui, c’est bien ça. 

Régis : Quand tu parles de personnalisation de menu, tu connais vraiment ton sujet. Encore une fois il faut prendre le temps d’aller fouiller dans les menus, dans son mode d’emploi qui n’est pas toujours très agréable à regarder ou bien d’acheter un livre comme toi tu as fait pour pouvoir connaitre son appareil précisément.

Le beau livre photo Melrakki

On va parler alors longuement du renard polaire parce que c’est vraiment ton sujet actuellement. Tu as sorti récemment un magnifique livre sur ce renard que tu as photographié en Islande. J’ai eu l’occasion de feuilleter ton livre au Salon de la photo. Ce livre tu l’as appelé Melrakki. D’où vient ce titre original ?

Philippe : Melrakki, c’est tout simplement le nom du renard polaire en islandais. C’est sans doute un des premiers mots que j’ai appris en islandais puisque j’ai été en Islande pour essayer de rencontrer et de photographier cet animal. Les gens avec qui j’ai pu converser là-bas, on a souvent parlé de melrakki ensemble. C’est un mot qui est rentré dans mon vocabulaire personnel même si ce n’est pas un mot français ni anglais.

Régis : On se doute bien que la racine n’est ni une racine latine ni une racine anglo-saxonne, ça n’a rien à voir avec le mot renard. Ça sonne bien et ça interpelle. Je trouve que ça fait un très beau titre.

Philippe : Comme beaucoup de mots islandais, c’est un mot qui est composé de plusieurs racines. Etymologiquement, ça voudrait dire rôdeur des landes. C’est composé de la racine qui veut dire rôdeur et de la racine qui veut dire landes.

Régis : Une petite question piège : est-ce que tu pourrais nous le prononcer en islandais le mot melrakki parce que là on le prononce à la française, mais est-ce qu’il y a une prononciation particulière en islandais ?

Philippe : Il suffit de rouler un peu le R et d’appuyer un peu sur la deuxième syllabe.

Mieux connaitre le renard polaire

Régis : Merci. On fait les choses dans l’ordre. On va commencer par mieux connaitre le renard. Pour photographier une espèce que l’on ne connait pas beaucoup, avant d’aller sur le terrain, il faut évidemment connaitre vraiment l’espèce, le côté naturaliste des choses. Dans quelle zone du monde est présent ce renard ?

Philippe : Le renard polaire est présent dans tous les pays autour du cercle polaire, c’est-à-dire l’Islande évidemment, les iles du Spitzberg, tout à fait au Nord de la Scandinavie c’est-à-dire le Nord de la Norvège notamment, la Sibérie, le Nord du Canada et le Groenland. 

Régis : Ce sont des sous-espèces qui sont à chaque fois dans ces zones-là  ou c’est la même espèce ?

Philippe : C’est la même espèce. Ils peuvent avoir parfois quelques toutes petites différences de comportement. L’espèce a été à l’époque de la dernière glaciation, toutes les populations de renard étaient regroupées puisqu’il y avait de la banquise qui reliait tous ces pays. Donc c’était les mêmes renards polaires qu’on pouvait trouver partout.

Ensuite quand la glace a fondu et que la banquise s’est retirée plus au nord, il y a des populations qui ont été séparées du reste, notamment celle d’Islande qui s’est retrouvée entre guillemets piégée sur l’ile.

Régis : Donc c’est la même souche de départ. C’est fascinant de s’imaginer qu’il y a des centaines de milliers d’années tout le monde était sur la même zone, il n’y avait pas de frontières physiques. Maintenant il y a des frontières physiques. C’est fascinant de s’imaginer l’évolution des continents, c’est assez fou.

Stratégies pour survivre aux températures extrêmes

Ce renard-là, s’il vit près du cercle polaire, c’est qu’il est capable de survivre sous des températures extrêmement froides et dans des zones inhospitalières. Quelles sont les stratégies de survie que cet animal, ce renard, a développées au fil de l’évolution ?

Philippe : Le renard polaire peut résister à des températures jusqu’à -70°.

Régis : C’est absolument incroyable !

Philippe : Ce qui est vraiment phénoménal puisqu’il n’y a aucun endroit dans le monde où on arrive à ces températures-là de manière régulière. Le renard polaire a des extrémités qui sont très courtes. Il a les pattes plus courtes, les oreilles plus courtes, le museau, etc. de manière à ce que le bout de ses extrémités se refroidissent moins.

Il a des coussins de poils sous les pattes pour l’isoler du sol. Il a un système de circulation sanguine qui est très évolué aussi, qui est très long par rapport à la taille de son corps. Cela, pour que le sang qui se refroidit, par exemple le sang qui va aller au bout des pattes, qui va se refroidir au contact de la neige en hiver, ne remonte pas directement vers le cœur parce que ça pourrait lui causer des problèmes de circulation.

Régis : Pour résumé il y a des virages dans tous les sens pour que le sang ait le temps de se réchauffer avant d’arriver au cœur.

Philippe : C’est ça. Le sang va parcourir un très long circuit dans le corps du renard avant d’aller jusqu’au cœur. Après bien évidemment il y a la fourrure qui a son atout principal puisqu’il a une fourrure hivernale qui est très épaisse, et qui est composée de deux types de poils : un poil très long qui sert en fait d’imperméable et qui permet d’évacuer tout ce qui est eau et neige en surface .

En dessous un poil beaucoup plus court et beaucoup plus dense qui va faire l’isolation. Sur la partie de poils intérieurs, il a plus de 20.000 poils au cm², ce qui est plus de 10 fois ce qu’on a sur la tête en tant qu’être humain. C’est comme s’il avait des cheveux ou des poils 10 fois lus serrés que les nôtres.

Régis : C’est formidable. Ça me fait penser à l’ours polaire. C’est pareil, lui il a ses poils qui sont creux je crois. Ça fait de l’air dans le poil, cet air fait une isolation supplémentaire. C’est autant de stratégies de survie qui sont vraiment fascinantes. L’évolution aboutit à des choses comme ça, hyper évoluées. Rien que pour ça il faut respecter à fond ce genre d’espèces.

Philippe : Absolument.

Le pelage du renard polaire

Régis : La couleur de son pelage passe du très sombre, voire noir, au blanc immaculé chez un même sujet. Est-ce que ce changement de couleur au fil de la saison fait aussi partie de ses adaptations à l’environnement, et en tout cas au froid ?

Philippe : Déjà ce n’est pas tout à fait vrai. La couleur du pelage ne passe pas du très sombre au blanc. Il n’y a qu’une partie des individus qui deviennent blancs en hiver parce que le renard polaire peut avoir deux formes de pelage. Soit il est de forme bleue. Ce sont des renards qui sont marrants, ils ne sont pas bleus.

Il va être marron en été et va rester marron en hiver avec simplement un poil beaucoup plus épais. Ceux qui vont devenir blancs en hiver, ce sont ceux qu’on appelle les renards de forme blanche. Eux, ils vont être blancs en hiver mais en été ils ne vont pas être marron du tout, ils vont être plutôt gris.

Dans tous les cas, ce sont des pelages qui sont très bien camouflés dans un certain type d’environnement. Ceux qui sont de forme blanche, en hiver ils vont être très bien camouflés sur la neige, en étant tout blancs. En été, ils vont être très bien camouflés dans les rochers, en étant gris.

Ceux qui sont de forme bleue, qui vont rester marron toute l’année, ils vont être très bien camouflés sur les habitats côtiers, c’est-à-dire sur les plages qui sont du sable noir généralement à ces latitudes, sur les rochers, dans les algues. Eux ils vont essentiellement chasser dans les zones côtières où il n’y a pas de neige, même en hiver.

Régis : Ce n’est peut-être pas tout à fait la même chose mais ça fait un peu penser à la buse variable. Il y a des pelages qui changent d’un sujet à un autre. Là c’est un duo, il y a deux formes différentes.

Philippe : Il ne peut y avoir que deux couleurs. Ce n’est pas comme certains animaux qui peuvent avoir plusieurs tons différents. Là, c’est soit l’un soit l’autre. Soit il est de forme blanche et il sera blanc immaculé en hiver et gris en été.

Régis : Toute sa vie ?

Philippe : C’est une caractéristique génétique, c’est comme les yeux bleus ou les yeux marron chez les humains. Il aura l’un ou l’autre quand il naitra et il gardera toute sa vie, oui. Par contre après, en fonction de son pelage, il sera peut-être plus ou moins amené à s’installer dans un territoire qui lui correspond au niveau camouflage.

Le renard polaire, un animal en danger d’extinction ?

Régis : Il lui faut donc une intelligence adaptative qui est fascinante. Est-ce que c’est un animal qui est en danger d’extinction ?

Philippe : Non, ce n’est pas un animal qui est en danger d’extinction. Il est classé, je crois, en préoccupation mineure, dans la classification UICN. En Islande il y a une population qui est tout à fait correcte et qui arrive très bien à se reproduire. Par contre il y a certains pays, certaines zones sur le globe où effectivement il est menacé.

C’est le cas par exemple en Norvège où il est menacé par le renard roux qui prend la plupart de ses territoires, parce qu’avec le réchauffement climatique, le renard roux monte de plus en plus au nord et se retrouve en concurrence avec le renard polaire sur certains de ces territoires.

Comme le renard roux est plus fort physiquement, c’est lui qui s’adjuge les meilleurs territoires. Les renards polaires sont fichus dehors, sont repoussés toujours de plus en plus au nord. Ils ont des territoires de plus en plus petits.

Régis : Les territoires finissent par se chevaucher et le renard roux gagne de la place finalement. D’accord. D’ailleurs ça me fait penser à la photographie qui a gagné le concours l’année dernière du Wildlife photographer of the Year. Je n’ai plus le nom du photographe en tête, je le mettrai dans le lien dans l’article.

Cette photo-là est fascinante. On voit un renard roux qui a dans sa gueule un cadavre de renard polaire et c’est lié typiquement à ce que tu viens de raconter.

Philippe : Oui. C’est une photo qui illustre très bien le problème qui est rencontré en Scandinavie, même si à aujourd’hui il y a eu aucune véritable observation scientifique de prédation d’une espèce sur l’autre.

Photo de Don Gutoski

Les habitudes du vie du renard polaire

Régis : On va plus s’intéresser typiquement au renard polaire d’Islande donc au melrakki. Je le dis sans accent, tu m’excuseras. Quelles sont ses habitudes de vie ? Est-ce qu’il est plutôt diurne, nocturne ? Qu’est-ce qu’il faut savoir sur lui dans ce cadre-là ?

Philippe : C’est une question à laquelle il est difficile de répondre parce qu’il peut être tout à fait diurne ou tout à fait nocturne. Ça dépend beaucoup comme le renard roux des habitudes des hommes autour de lui. Il va être nocturne comme le renard roux en Europe s’il est dérangé par les hommes pendant la journée et notamment s’il est chassé.

Dans ce cas-là il aura beaucoup plus peur de l’homme. Il va sans doute sortir uniquement à la nuit tombée. Dans les zones où il est plus tranquille, il pourra avoir une activité diurne tout à fait normale.

Régis : C’est-à-dire qu’on retrouve la même intelligence adaptative qu’on a avec le renard roux chez nous, c’est-à-dire qu’il est capable de s’adapter à son environnement. Si l’environnement change, lui va s’adapter et va adapter sa vie en fonction de ça.

Philippe : C’est ça.

Régis : En France, la pression de la chasse et la pression humaine en général obligent les photographes à prendre mille précautions pour photographier le renard roux. Est-ce que c’est le cas pour le renard polaire ? Est-ce que c’est un animal qui est aussi farouche et craintif que le renard chez nous en France ?

Philippe : Oui, c’est à peu près le même type de comportement qu’on peut retrouver chez le renard roux. Il y a des endroits où il est tout à fait possible de rencontrer un renard polaire qui va être très habitué à l’homme, notamment dans les endroits les plus touristiques. Comme c’est un animal qui est opportuniste, il va être parfois tenté de venir vers les hommes s’il sait qu’il n’est pas en danger pour essayer de quémander un peu de nourriture.

Dans ces endroits-là on peut effectivement croire que le renard polaire est facile à photographier. Mais en fait quand on veut vraiment le photographier dans tous ses comportements et dans toutes les phases de sa vie, on se rend compte que c’est beaucoup plus compliqué que ça.

Parce que si on veut notamment le photographier avec ses petits, si on veut le photographier pendant qu’il chasse, là ce n’est pas du tout la même chose, c’est un animal qui est beaucoup plus sauvage et beaucoup plus craintif quand il est dans son territoire naturel. 

Repérer le renard polaire

Régis : Tu vas souvent en Islande, tu fais là-bas des séjours, des stages photo centrés sur le renard polaire. Comment tu t’y prends pour effectuer tes repérages en plein cœur de l’Islande et donc augmenter tes chances de voir l’animal ?

Philippe : A partir du moment où tu travailles dans une zone où les renards ne sont pas habitués à la présence de l’homme, la seule méthode que j’ai trouvée qui fonctionnait, c’est d’aller dans la zone où tu penses pouvoir apercevoir les renards et de faire beaucoup de repérages aux jumelles pour essayer de les dénicher.

Une fois qu’on a trouvé l’endroit où ils habitent, où ils passent du temps, à ce moment-là on peut éventuellement se poser à une certaine distance de là.

Moi généralement j’installe une tente et je reste plusieurs jours sur le terrain. Chaque jour je vais aller m’installer sur leur territoire à l’endroit où je pense avoir des chances de faire ma photo. Je vais attendre qu’ils s’habituent un petit peu à ma présence.

Régis : Finalement ce sont les mêmes techniques qu’on peut utiliser en France métropolitaine, c’est-à-dire qu’il faut d’abord observer, en tout cas savoir où il se trouve, avoir des indices de présence. A l’endroit potentiel, on s’y pose, on observe, après on y reste pour augmenter ses chances de prises de vue, et puis réfléchir et penser à ses photos. Finalement c’est à peu près la même technique ?

Philippe : Oui, dans le principe c’est la même technique. La seule différence qui est quand même de taille, c’est qu’en Islande il n’y a pas de végétation, c’est-à-dire que ce sont des terrains qui sont très dégagés, où il n’y a pas d’arbres

Régis : Une espèce de lande à perte de vue ?

Philippe : Oui, c’est vraiment de la lande, mais très rase. Il n’y a même pas de gros buissons. Il n’y a rien qui dépasse les 20 centimètres de hauteur. Donc à partir du moment où on rentre sur le territoire d’un renard polaire, le renard polaire est au courant que vous êtes là.

On ne peut pas faire comme on fait en France de planter un affût et de se cacher à l’intérieur parce que la moindre modification sur son terrain est tout de suite repérée. Il faut vraiment le mettre en confiance parce que de toute façon si on essaie de se cacher, on sera toujours repéré.

Régis : Tu veux dire que la billebaude là-bas, il ne faut pas y penser du tout ?

Philippe : Ça peut marcher avec certaines espèces mais pas avec le renard polaire. Sauf si on entre dans des moments où il est très occupé. S’il a trouvé à manger ou s’il est en train de chasser, là on arrive à approcher un petit peu sans qu’il s’en rende compte mais d’une manière générale ça ne marche pas.

Quels réglages pour photographier le renard polaire ?

Régis : Je voulais parler avec toi des réglages à faire sur son appareil photo pour pouvoir faire ses prises de vue pour le renard polaire. Mais je me rends compte que ma question est très générale. Il n’y a pas très longtemps je parlais avec un lecteur de mon blog de l’intention photographique.

Je ne vais pas te demander quels sont les réglages à faire s’il n’y a pas d’intentions photographiques derrière. Mais si tu veux faire un portrait de renard qui prend la chaleur du soleil, qui est posé tranquillement, quels sont les réglages que tu vas faire ?

Philippe : D’une manière générale, je travaille soit en manuel soit en mode Av c’est-à-dire priorité au diaphragme avec une très grande ouverture entre f/2.8 et f/4, je travaille également en mode Ai Servo et en rafale pour pouvoir saisir rapidement toutes les attitudes  lorsque le renard bouge parce que c’est un animal qui est très nerveux.

Qui bouge très souvent et notamment qui se déplace beaucoup, qui a souvent le nez au sol, il est toujours en train de renifler. Il faut être très réactif.

Régis : Je voulais qu’on parle également d’une grosse problématique qui revient souvent sur les espèces qui ont des couleurs très marquées, sombres ou claires.

Comment tu arrives à gérer l’exposition, en tout cas les difficultés d’exposition, sur un animal qui peut être sombre et un environnement plutôt clair, ou l’inverse, tu as dit qu’il y avait des animaux qui étaient clairs quand le fond est sombre ? Comment tu fais pour gérer ces gros contrastes de couleurs et d’exposition ?

Philippe : C’est vrai qu’on a des différences de couleurs dans les individus déjà, entre certains qui sont très clairs et d’autres qui sont très sombres en hiver.

Régis : Ça peut être le cas dans une même scène ?

Philippe : Ça peut être le cas, tout à fait. On peut avoir un renard complètement marron foncé avec un renard blanc sur le même lieu, effectivement. Là ça devient très difficile à exposer. Ou un renard qui serait marron et qui serait sur de la neige, également très difficile à exposer.

Là c’est à prévoir un petit peu en amont. Si les conditions de luminosité ne sont pas amenées à changer trop radicalement, le mieux c’est de travailler en manuel, donc de faire éventuellement plusieurs essais pour trouver la bonne exposition en mode manuel. On peut rester sur cette exposition pour toute la série de photos.

Ou si les conditions lumineuses changent régulièrement, à ce moment-là on se met en mode Av, priorité au diaphragme, et on laisse l’appareil d’adapter. Mais effectivement quand on vise un sujet sombre sur un fond clair comme la neige, il faut dans ce cas-là surexposer d’un bon diaphragme voire d’un diaphragme et demi pour compenser la réflexion de la neige.

Régis : Comme tu l’as dit c’est aussi l’expérience qui joue beaucoup parce que ces différentes expositions peuvent être problématiques pour l’appareil qui, lui, a du mal à bien exposer du noir et du blanc en même temps.

Quelles attitudes du renard polaire à photographier ?

C’est compliqué pour les capteurs. Effectivement il faut faire des essais et travailler comme tu l’as dit. Quelles sont les attitudes intéressantes à photographier chez le renard polaire, en tout cas celles qu’il ne faut pas rater ?

Philippe : Comme je te disais, c’est un animal qui a souvent le museau au sol, donc ça c’est une attitude qui n’est pas très intéressante, justement le museau au sol.

Par contre dès qu’il va lever la tête parce qu’il va percevoir un bruit ou un mouvement ou tout simplement pour surveiller autour de lui, regarder un peu s’il est toujours en sécurité, à ce moment-là on va avoir des attitudes qui sont beaucoup plus photogéniques.

Régis : Là, il faut absolument être concentré tout le temps, avoir l’œil dans le viseur constamment et prêt à déclencher parce qu’il suffit qu’on retire un peu le regard du viseur, si lui à ce moment-là il décide de lever la tête pour renifler, voir ce qu’il se passe, c’est un peu mort.  Ça doit être assez éprouvent, la concentration ?

Philippe : Oui, tout à fait, il faut être toujours sur le qui-vive effectivement, parce que ça peut devenir intéressant très vite et en même temps ça peut être assez banal pendant de longues minutes. Si on n’est pas attentif, des fois on peut rater des situations intéressantes. Il peut y avoir des interactions entre les individus aussi qui peuvent être très furtives.

Ils peuvent se regarder, ils peuvent jouer, ils peuvent simuler des bagarres, des choses comme ça. Il faut également être très rapide. Après il y a tout ce qui est scènes de chasse également puisqu’ils ont aussi des interactions avec d’autres animaux, notamment tous les oiseaux qu’ils vont chasser.

Régis : Là, effectivement il faut connaitre l’espèce. Tu l’as dit, c’est un animal qui est très vif. C’est assez difficile d’anticiper un mouvement particulier. A force de l’observer, de le connaitre, j’imagine que tu as pu repérer une attitude qui te dit qu’il va commencer à chasser par exemple ou il va commencer à jouer ?

Philippe : Oui, tout à fait. Après on s’en rend compte assez vite, on voit bien dans quel état d’esprit il est. C’est un animal qui a de longues périodes de repos.

Aller dans une période où il essaie avant tout d’économiser son énergie et à se reposer, il y a peu de chances qu’on est ce genre d’attitudes-là. Par contre en général quand il a ses petits ou quand il y a plusieurs individus ensemble au même endroit, là on peut s’attendre à avoir des interactions intéressantes entre eux.

Une magnifique anecdote

Régis : Est-ce que tu as une anecdote intéressante à nous raconter sur une prise de vue que tu as peut-être ratée d’ailleurs ou que tu as formidablement bien réussie ? Est-ce que tu as un truc comme ça à nous raconter ?

Philippe : J’en ai sans doute plein d’intéressantes mais une qui me revient souvent en mémoire, c’est une renarde dont je surveillais la tanière en collaboration avec les scientifiques qui menaient une étude sur le renard polaire. Il m’avait entre guillemets chargé de surveiller une tanière sur laquelle il y avait une renarde qui avait 5 petits.

Cette renarde au bout de quelques jours que je surveillais sa tanière, elle est devenue très amicale, elle a tout de suite compris que je ne lui voulais pas de mal. Au bout de quelques jours, elle s’est mise presque à m’utiliser, j’ai envie de dire, pour que je lui garde ses petits. Elle est partie chasser, elle faisait sortir ses petits, elle les laissait autour de moi.

Les petits s’amusaient autour de moi, elle partait chasser, elle savait que personne n’allait s’approcher de ses petits vu que j’étais là. C’était assez marrant. Je pense qu’elle avait vraiment compris que je pouvais lui être utile ou du moins que je ne lui voulais pas de mal. Elle avait un comportement pas commun.

Régis : C’est une forme d’intelligence incroyable. Elle a compris, première chose, que tu ne lui voulais pas de mal, il fallait quand même le saisir. Derrière, il faut aller au-delà de cette compréhension, il faut l’utiliser comme tu l’as dit.

Je ne sais pas si on peut aller à fond dans le raisonnement en pensant qu’elle s’est dit, s’il y a un homme, comme les autres animaux ont peur des hommes, du coup si je laisse mes petits à cet homme-là dont les autres ont peur, ils sont en sécurité. Je ne sais pas si on peut aller à fond dans ce raisonnement-là.

Ce serait faire un peu d’anthropomorphisme. Mais c’est quand même fort, très fort. Et toi, tu as dû vivre des moments géniaux ?

Philippe : Surtout que j’ai été plusieurs fois dans cette situation-là avec d’autres familles de renards et je n’ai jamais eu ce type de comportement. En général quand j’ai été amené à être près d’une tanière ou à être au contact de jeunes renards, les parents essayaient toujours de les cacher. Alors qu’elle, elle faisait tout à fait l’inverse. Effectivement on peut se poser des questions sur la capacité qu’ils peuvent avoir à analyser les situations et à gérer le danger et la présence des humains.

Régis : Par contre tu as dû flinguer l’étude scientifique des scientifiques parce qu’elle n’avait plus un comportement naturel finalement, la renarde ?

Philippe : Oui. Mais c’était une étude sur les dérangements liés à d’autres espèces, donc ce n’était pas très gênant.

Régis : D’accord. On a fait le tour du renard polaire. C’est vrai que j’ai dit en introduction, la plupart des photographes qui nous écoutent ne vont pas aller dès demain passer un week-end en Islande, ce n’est pas facile, mais dans tout ce qu’on a dit là, il y a quand même beaucoup de conseils qu’on peut appliquer sur  le renard chez nous en France et à d’autres espèces également.

Il ne faut pas se priver d’appliquer ces conseils-là sur ce qu’on a chez nous en Métropole. 

Philippe : Absolument.

Le livre Melrakki par Philippe Garcia

Régis : On va parler maintenant de ce que tu as produit comme livres parce que c’est vraiment très important. Tu as écrit des livres photo très techniques, on sent bien que tu maitrises parfaitement bien le sujet technique. Comment utiliser le Canon 750D, 760D, ou encore le Canon 80D, des livres qui sont sortis chez Eyrolles.

Il y a le lien pour en savoir plus dans la description de l’interview sur la page du blog.  Mais j’aimerais surtout que tu nous parles de ton magnifique livre Melrakki que tu as fait en collaboration avec l’imprimeur Escourbiac qui est une référence dans le domaine de l’imprimerie. Première chose : où peut-on trouver ton livre ?

Philippe : Pour trouver mon livre, on peut me le commander en direct en passant par le site www.explographe.com.

Régis : Est-ce que tu peux faire une dédicace si on passe en direct par ton site ?

Philippe : Bien sûr. Si vous voulez une dédicace, le plus simple c’est de passer par mon site parce que comme ça il suffit de laisser un message sur mon site en expliquant ce qu’on veut et je peux les dédicacer directement. Ensuite on peut le trouver également sur les boutiques des magazines Nat’Images, Image et Nature. On peut le trouver également sur Amazon et dans quelques librairies.

Régis : Si on le cherche, on peut le trouver facilement.

Philippe : Si on cherche Melrakki déjà, ce n’est pas très commun. Si on cherche ça sur un moteur de recherche, on tombe assez rapidement sur mon livre. 

Régis : Avoue, Philippe que c’était une démarche purement marketing de l’appeler Melrakki ? C’est juste pour qu’on le trouve facilement sur Internet, c’est tout ? (Rires)

Philippe : C’est ça !

Régis : Je plaisante. Du coup, c’est une question qui n’était pas du tout prévue mais j’ai envie de te la poser quand même. On parle souvent d’une démarche photographique globale, c’est-à-dire qu’il y a tout l’amont qu’on a vu, la préparation, le repérage, l’observation, tout ça, il y a le moment de la prise de vue où on appuie sur le déclencheur et il y a aussi après le traitement sur Lightroom ou d’autres logiciels.

Surtout si on travaille en raw pour pouvoir donner plus de pêche à l’image et les réglages qu’on peut faire. Mais ça ne s’arrête pas là. Je voudrais que tu nous parles d’aller au bout du bout de la démarche, jusqu’au choix du papier. Parce que je parlais de l’imprimeur Escourbiac, j’ai vu ton livre, j’ai pu le feuilleter, c’est un vrai bel objet et notamment sur le papier.

Le rendu de tes photos est magnifié par le choix du papier. Est-ce que tu peux nous en parler, s’il te plait ?

Bien choisir son imprimeur

Philippe : Oui. J’avais à cœur de faire un beau livre qui rende vraiment hommage à l’animal et à tout ce que j’avais pu faire en tant qu’études et en tant que travail sur cet animal-là. J’avais beaucoup d’exigences au niveau de l’imprimerie parce que je voulais vraiment que l’imprimerie rende parfaitement les ambiances que j’avais pu avoir en Islande lorsque j’ai fait les photos.

Et également que toutes les photos qui sont sur de la neige soient bien remplies. Les photos de neige avec des fonds très blancs c’est toujours très difficile à rendre en impression sur du papier. J’ai travaillé avec l’imprimerie Escourbiac qui est une très bonne imprimerie et qui de plus n’est pas très loin de chez moi, ça m’a permis de m’y rendre de manière régulière à chaque étape de la conception du livre.

On a fait de nombreux tests et on a réussi à trouver le papier qui convenait tout à fait à ce type de photos, et les réglages de machine qui ont permis d’avoir un rendu sur les images de neige.

Quand on met un renard blanc sur de la neige blanche, le tout imprimé sur une feuille blanche, ce n’est pas évident d’avoir un très bon rendu, on a beaucoup travaillé. On a réussi à avoir quelque chose qui me satisfait entièrement.

Régis : C’est une vraie démarche artistique, esthétique. C’est un vrai travail. J’aimerais un jour faire l’interview, pourquoi pas avec l’imprimerie Escourbiac, pour pouvoir parler de cette démarche-là, du choix du papier, qui a une réelle influence dans le positif comme dans le négatif sur le rendu de la photo.

C’est vraiment très important. C’est peut-être un domaine qu’on laisse un peu à part très souvent parce qu’on pense que ce n’est pas très important.

Philippe : Oui, il y a ça. Il y a aussi le fait que c’est toujours difficile d’avoir des papiers spéciaux. Le monde de l’imprimerie, c’est quelque chose qui est calibré pour des gros tirages. Quand on fait des livres artistiques comme ça, des livres de photos, c’est des tout petits tirages par rapport à ce qu’ils ont l’habitude de faire.

Quand on va voir un fabricant de papier et qu’on lui dit « je voudrais telle référence d’un papier très spécial que vous n’avez pas en stock, j’en voudrais pour que vous m’en fassiez mille livres », en général ils vous disent que ce n’est pas possible.

J’ai eu la chance de pouvoir présenter mon projet au fabricant de papier qui s’appelle Arctic Paper, c’est un fabricant suédois, j’ai eu la chance qu’il soit séduit par le projet et qu’ils acceptent de me fabriquer ce papier spécial en toute petite quantité.

Régis : C’est du sur-mesure ?

Philippe : Tout le monde ne peut pas faire ça pour chaque livre.

Régis : Le résultat est vraiment à la hauteur de ton travail de photographe et aussi de ton travail d’artiste sur le choix du papier. C’est vraiment une réussite. Je conseille à nos auditeurs et à ceux qui lisent l’article d’aller jeter un coup d’œil à ton travail déjà et aussi à ton livre.

Pourquoi l’Islande ?

On a beaucoup parlé d’Islande. Je ne t’ai pas posé une question : qu’est-ce qui t’attire dans cette ile-là ? Qu’est-ce qui fait que tu as une attirance pour l’Islande ?

Philippe : Déjà je ne suis pas le seul photographe à avoir une attirance pour l’Islande. Je crois qu’il y a beaucoup de photographes et notamment tous les photographes paysagistes qui aiment beaucoup ce pays, parce que c’est un pays qui est très sauvage, dans lequel on a des grandes zones, des grands paysages où il y a aucune trace d’activité ou d’aménagement fait par l’homme.

C’est également un pays qui est relativement haut en termes de latitude, donc qui permet d’obtenir des lumières tout à fait excellentes pour faire de la photo sur des longues périodes dans la journée. C’est-à-dire qu’on a de la très bonne lumière pendant plusieurs heures le matin et plusieurs heures le soir, alors que si on veut avoir la même lumière en France, ça dure 5 minutes le matin et 5 minutes le soir. C’est tout ça qui m’a attiré avant tout.

Le fait aussi qu’il y ait peu de monde dès qu’on sort un peu des endroits touristiques. Il y a beaucoup de parties du pays, notamment les fjords de l’ouest dans lesquels j’habite qui sont très vides. Ça permet de rencontrer les animaux dans de bonnes conditions et de ne pas être gêné par les autres usagers de la nature, comme on dit.

Régis : C’est très complet. Je comprends évidemment tous ces arguments. Ça donne très envie du point de vue du photographe d’y passer du temps. Tu organises des séjours photo là-bas, des séjours qui consistent en quoi ? Quand on fait un voyage photo avec toi, qu’est-ce qui se passe ?

Les séjours organisés en Islande par Philippe Garcia

Philippe : J’ai plusieurs types de séjours, généralement c’est des séjours d’une semaine qui sont axés sur la faune, sur les paysages de ma région en Islande, c’est-à-dire les fjords de l’ouest.

Je ne fais pas des séjours dans toute l’Islande, je ne fais pas des séjours dans d’autres pays parce que je veux vraiment faire découvrir aux gens cette région, parce que je la connais bien, je connais bien les animaux, je sais très bien ce que je vais pouvoir trouver quand je vais à différents endroits, quand j’emmène les gens à différents endroits. Je n’emmène pas les gens dans des endroits qui sont des endroits touristiques.

C’est vraiment parce que je connais par cœur ces zones-là que je peux me permettre d’y amener des gens d’une part en toute sécurité pour la faune et d’autre part avec des très bonnes chances de réussite et de rencontres pour qu’ils fassent des photos.

Ce sont des séjours qui se déroulent en petits groupes, je prends des groupes de 3 personnes pour être plus proches d’eux, pour pouvoir leur donner des conseils personnalisés en fonction de leur niveau, en fonction des choses qu’ils ont envie de photographier aussi, pouvoir m’adapter à leurs envies, ne pas les enfermer dans un programme qui soit trop restrictif.

Le fait d’être en tout petit groupe et avec quelqu’un qui connait très bien le terrain, ça cause moins de dérangement, ça permet de faire des meilleures observations, ça permet même dans une période assez courte de faire énormément de photos par rapport à une période où on irait tout seul en découvrant, sans connaitre vraiment les endroits.

Régis : Ceux qui ont envie de découvrir cette ile et qui ont en plus l’amour pour la photographie animalière ou de nature, c’est vraiment un concept idéal pour eux. Où peut-on trouver des informations concernant ces stages-là ?

Philippe : On trouve toutes ces informations sur mon site qui s’appelle explographe.com. Il y a des galeries avec tous les types de photos qu’on peut faire dans la zone où j’organise mes séjours, et il y a tous les programmes des séjours qui sont disponibles.

Régis : J’invite encore une fois les auditeurs à aller sur ton site explographe.com, ne serait-ce que pour voir les belles photos et pour en savoir plus sur ce que tu organises. Philippe, on a fait le tour. J’ai passé un très bon moment. J’ai appris des choses sur le renard polaire et je suis certain que ceux qui nous écoutent ont aussi appris des choses. Je te remercie infiniment pour ce temps que tu nous as accordé.

Philippe : Merci beaucoup à toi. Surtout continue à faire plein d’interviews de photographes animaliers parce que je les écoute régulièrement, comme je reçois ta newsletter. C’est toujours très intéressant. On apprend toujours énormément de choses sur les différentes espèces et la démarche de chacun. Ça permet de se forger un style particulier et d’enrichir ses connaissances.

Régis : Merci beaucoup Philippe, c’est très sympa. C’est très motivant pour continuer. Je te dis à bientôt. Bonnes photos et bon courage pour la suite.

Philippe : Merci beaucoup. A bientôt.