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L’invité

Pour ce 39 ème épisode j’ai le plaisir d’accueillir Christophe Ravier, photographe animalier qui s’est fait connaître, entre autres, avec ses magnifiques photos de grèbe huppé. Le grèbe huppé n’est certainement pas le plus connu, ni le plus recherché des oiseaux, mais il est sans aucun doute l’un des plus photogéniques.

Christophe l’a bien compris. Il sait, à force de jeux de lumières, de compositions originales et de grandes connaissances naturalistes, magnifier le grèbe huppé dans son environnement.

J’ai vu pour la première fois ses photos à l’occasion du festival de l’Oiseau en baie de Somme (c’était pour la première rencontre photo du blog). Elles m’ont carrément scotchées … c’est peu de le dire ! Pourtant, des photos de grèbe huppé, j’en ai vu ! J’habite dans une région qui n’en manque pas. N’empêche, celles de Christophe ont le truc en plus.

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Mais au fait, qui est vraiment Christophe Ravier ? Il sévit 🙂 dans un village d’Alsace près de Strasbourg. Cette région est réputée pour la richesse de sa faune. C’est sans aucun doute le moteur de sa passion pour la photographie animalière. Depuis qu’il a attrapé le virus, il ne peut pas s’empêcher de se lever aux aurores pour capter les plus beaux comportements, dans les plus belles lumières.

Son jardin de jeu se trouve être une petite rivière du Rhin. C’est là qu’il perfectionne sa technique de l’affût flottant. Outil devenu indispensable pour être au plus près de la vie du grèbe huppé et des autres animaux de rivière.

Bien sur, Christophe ne se limite pas aux photos de grèbe huppé. Non. Visitez sa galerie photo, et vous comprendrez qu’il a plus d’une corde à son arc !

Au sommaire de ce 39ème épisode de « Interview de Photographes Nature »

Voici ce que vous apprendrez dans ce podcast avec la photographe Christophe Ravier :

  • La biographie de Christophe
  • Le matériel photo qu’il utilise
  • Pourquoi il préfère photographier les oiseaux et les mammifères
  • L’intérêt de faire des photo de comportements animaliers
  • Pourquoi se trouver un site photo près de chez soi
  • Comment faire pour repérer la présence d’animaux dans un site
  • Présentation complète du grèbe huppé
  • Les comportements les plus photogéniques du grèbe à photographier
  • Les précautions à prendre pour photographier le grèbe huppé
  • Ses conseils pour utiliser la technique de l’affût flottant
  • Quels réglages sur le reflex à adopter

Repères cités dans cet épisode

Vous avez aimé cet épisode sur le grèbe huppé ?

Partagez cette interview sur Facebook en cliquant ICI, c’est le meilleur moyen de faire connaitre les photos et le travail de Christophe. Merci ! 🙂

Toutes les photos ci-dessous sont de Christophe Ravier

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Transcription texte de l’interview

Régis Moscardini : Bonjour Christophe.

Christophe Ravier : Bonjour Régis.

Régis : Je suis ravi de t’interviewer parce que j’ai vraiment adoré tes photos de grèbes huppés que j’ai vues à ton exposition au Festival de l’oiseau en baie de Somme.

Christophe : Merci pour ces compliments. Puisque tu mentionnes le Festival  de l’oiseau, je vais en profiter pour remercier tous les organisateurs. C’est un événement que j’ai trouvé fabuleux, très bien organisé dans une région magnifique pleine de bons sujets très photogéniques, et très accueillant.

Régis : Je te rejoins à 100%, c’était un super événement. Si tu veux bien Christophe, est-ce que tu peux te présenter en quelques mots s’il te plait, ton parcours photo et ce qui t’a amené à pratiquer la photo nature et la photo animalière ?

Christophe : J’ai à peu près 50 ans, 49 ans et un peu plus. Je vis en Alsace depuis une trentaine d’années maintenant dans un village au bord du Rhin, pas très loin de Strasbourg, où je pratique la photographie en amateur, la photographie nature depuis une dizaine d’années. Ça correspond à l’année de mon passage au numérique, l’achat de mon premier reflex numérique.

J’avais l’habitude de faire pas mal de sorties footing dans la nature autour de chez moi. J’avais le sentiment toujours en revenant qu’il me manquait un petit peu quelque chose, que j’avais loupé un petit peu quelque chose. Je pouvais observer des scènes de nature, des mammifères, des oiseaux, les saisons, jusqu’au jour où j’ai réalisé que je passais trop vite à côté de tout ça, qu’il était urgent que je ralentisse pour pouvoir un peu mieux comprendre et observer.

J’ai assez facilement laissé tomber les baskets pour une paire de bottes, changé mon Lycra contre une tenue de camouflage et j’ai laissé de côté le cardio-fréquencemètre pour m’intéresser d’un peu plus près à l’équipement photo. Je sors toujours pour faire mes sorties footing mais cette fois c’est un peu plus avec un œil de repérage, un œil naturaliste que pour battre le chrono.

Régis : C’est sympa comme démarche. En tout cas ce n’est pas une démarche voulue, réfléchie mais j’aime bien le côté découverte de la nature via le footing pour te rapprocher de quelque chose de plus tranquille, de plus doux, en harmonie peut-être avec le rythme naturel des choses. C’est plutôt pas mal comme approche de la nature.

Christophe : Un autre événement un peu déclencheur qui a donné un peu un but à cette prise de photos, c’est en 2010, je suis sûr que tu t’en rappelles, c’était l’année internationale de la biodiversité. Avec un ami photographe du coin, on s’est dit qu’on allait organiser une expo photo. Au départ on était 2 à essayer de convaincre la municipalité de nous prêter une salle pour y exposer une quarantaine de photos et de faire venir les gens.

Au fur et à mesure des années, cette expo photo s’est transformée en un petit festival qui est le Festival Focales Nature à Offendorf. Depuis une vingtaine de photographes régionaux et belges nous ont rejoints. C’est tous les ans, le premier week-end de novembre dans ce village d’Offendorf. Ce sera la 7e édition.

Régis : On va parler un peu matériel. Une petite question comme ça plus personnelle. Quel est ton métier qui te permet de manger ?

Christophe : Un peu plus que manger. C’est un métier pour lequel j’ai beaucoup d’intérêt, c’est un métier de responsable de projet dans l’industrie chimique, spécialement dans l’amélioration de tout ce qui est réseau de distribution de nos produits auprès de nos clients. C’est quelque chose d’assez technique  et qui me plait beaucoup.

Régis : On est vraiment loin de la photographie animalière. Est-ce que tu peux essayer de trouver un pont entre ton métier et la photographie nature animalière ? C’est peut-être un pont qui est un peu long, un petit peu indirect mais est-ce que tu sens que quelquefois ton activité de photographe peut t’aider dans ton métier ou inversement ?

Christophe : C’est quand même des choses qui sont relativement éloignées. Je dirais que le lien entre les 2, c’est un peu le côté ingénieur qui des fois se fait utile dans la photographie animalière pour comprendre un petit peu comment fonctionne notre matériel, nos différents équipements, le bricolage, etc. Et les qualités d’ingénieur qu’il faut en tant que responsable de projet dans un environnement industriel.

Régis : D’accord. En parlant de matériel, qu’est-ce que tu utilises actuellement ? Boitiers, objectifs et accessoires, quel est le contenu de ton sac photo ?

Christophe : Actuellement j’utilise pas mal le 5D Mark iii, donc un boitier plein format Canon. Souvent en affût, j’utilise un 500mm, toujours un Canon, f4. C’est un matériel assez lourd, c’est pour ça que je l’utilise quasiment exclusivement en affût. Pour ce qui est repérage, billebaude, j’utilise souvent le 100-400, aussi Canon.

Je l’utilise également pour faire de la photo de fleurs. Je ne sais pas si c’est inhabituel mais en tout cas utiliser ce 100-400 avec une bague allonge me permet d’approcher assez près du sujet en macro et d’avoir un meilleur fond, un fond beaucoup plus flou, beaucoup plus lumineux que j’aurais avec le 100 mm macro Canon que j’ai par ailleurs.

Régis : Effectivement un 100-400 on n’a pas l’habitude de l’utiliser dans ce cadre-là. Ceci étant, j’en fais partie d’ailleurs, il y a pas mal de photographes qui utilisent le 300mm f4 pour faire de la proxi-photo. C’est vrai que la distance minimale de mise au point est parfois un petit peu rebutante parce qu’on n’est pas toujours proche du sujet.

Mais tu l’as vraiment bien souligné, les fonds sont très doux, il y a peut-être une ambiance, un graphisme qu’on ne retrouve pas forcément avec un 100mm macro dédié exclusivement à la macrophotographie.

Christophe : J’ai également pour la photo de paysages, j’utilise de préférence le 17-40, toujours en Canon.

Régis : Canon, c’est une opportunité de départ, tu t’es équipé comme ça dès le début et finalement tu ne t’es jamais posé la question ou il y a vraiment un attachement particulier à cette marque ?

Christophe : Comme tu l’as dit, ça s’est trouvé un peu comme ça. La personne qui il y a une vingtaine d’années m’a mis le doigt dans la photographie, qui m’a appris un peu à me servir de ce matériel-là était équipée en Canon. Donc quand la question s’est posée « qu’est-ce que je vais acheter comme matériel ? », le plus simple c’était de prendre le même que lui.

Depuis, les objectifs étant déjà là, quand on change de boitier on reprend la même marque. Je n’ai jamais eu envie de changer pour une autre marque, Canon me satisfait pleinement.

Régis : J’en profite pour dire à ceux qui nous écoutent de réfléchir plusieurs fois avant d’acheter son premier reflex, de réfléchir à la marque dans laquelle on va s’engager parce qu’une fois qu’on est parti dedans, c’est très difficile de revenir en arrière, parce qu’on s’équipe en objectifs.

Il faut revendre tout le parc si on veut changer de marque, il faut switcher comme on dit, un terme anglais qui signifie changer tout simplement. Il faut vraiment se poser la question si c’est la bonne, si on est sûr et certain de continuer là-dedans pendant plusieurs années voire plusieurs décennies.

Christophe : Absolument. Je confirme.

Régis : Il suffit de surfer sur ton site Internet que d’ailleurs je recommande pour la beauté des photos que tu y mets, tu photographies toutes formes de vies sauvages et aussi des paysages. On sent que c’est tout ce qui touche la nature qui te passionne. Est-ce qu’il y a malgré tout un thème animalier ou même un thème naturel qui a tes faveurs, qui te passionne un peu plus que les autres ?

Christophe : Je préfère photographier les mammifères et les oiseaux.  En y réfléchissant, je pense que ce qui m’intéresse, c’est ce qui précède le fait d’appuyer sur le bouton, c’est-à-dire la démarche de l’approche, la démarche de se mettre à la recherche du sujet, d’apprendre sur le comportement, sur les habitudes soit du mammifère, soit de l’oiseau, d’essayer un peu de décoder, de deviner ce qu’il va faire.

Ensuite d’essayer de trouver le meilleur endroit voire le meilleur dispositif, qu’on parle d’affût, qu’on parle de perchoir pour installer un appareil photo, qu’on parle de déclenchement à distance, etc. Essayer de trouver le système qu’on va mettre en œuvre pour photographier soit son mammifère, soit son oiseau. Je me rends compte qu’une belle photo de mammifères ou d’oiseaux, c’est surtout pour moi une photo de comportement.

Et un beau comportement, c’est-à-dire une photo qui par elle-même montre quelque chose de très vivant, elle tolère un peu plus facilement les défauts de lumière, les défauts de composition. Ce qui à l’inverse pour moi est moins le cas pour la photo de macros, une photo de fleurs, une photo d’insectes voire même une photo de paysages. On s’attend vraiment à ce qu’elle soit parfaite au niveau de la composition, au niveau de l’éclairage.

Ça demande peut-être un côté plus artistique que je n’ai pas forcément. Donc je préfère m’intéresser plus volontiers aux mammifères et aux oiseaux. Mais bien sûr j’essaie de faire un petit peu tous les sujets.

Régis : J’aime beaucoup ton explication. Je suis content que tu la dises parce que je me souviens avoir eu un débat avec une amie photographe, tout en respect, il n’y avait aucun souci. C’était de dire que c’était plus difficile de faire de la photographie animalière parce que les sujets ne sont pas maitrisés alors que la photographie de studio était réputée être plus facile.

Moi j’ai essayé de lui montrer l’inverse. Finalement je trouve que la photo de studio avec un modèle à qui tu fais faire ce que tu veux par définition est plus difficile, parce qu’il faut avoir un côté artiste dans la maitrise de la lumière qui doit être parfaite, dans la composition qui doit être parfaite, dans l’attitude que tu souhaites donner à ton sujet.

Il y a tous ces paramètres-là qu’on n’a pas à maitriser dans l’animalier. Finalement c’est l’animal qui va faire tout le travail pour nous et nous on n’a qu’à appuyer sur le déclencheur. Ce que tu viens de dire ça rejoint un petit peu ça. C’est tout à ton honneur que de dire que la lumière peut être un peu moins chiadée, que le cadrage peut être un peu moins parfait, mais on l’accepte plus parce que l’attitude de l’animal est tellement extraordinaire qu’on se concentre plus là-dessus.

Christophe : Je partage aussi cet avis. La condition c’est qu’il faut faire de la photo de comportements. Un oiseau sur une branche qui regarde le photographe ce n’est pas forcément la meilleure photo animalière. On préfèrera la mésange en plein vol, avec un joli fond. Là c’est parfait.

Régis : Tu l’as dit en début de ta réponse précédente, il faut avoir une connaissance sur l’animal qui doit être assez poussée pour ne serait-ce que pouvoir anticiper les mouvements, pour savoir que s’il a tel comportement, c’est que dans les secondes qui suivent il va commencer à s’envoler ou faire tel ou tel geste. Ça ne s’acquiert qu’à force d’observations répétées sur l’animal.

Christophe : Absolument. D’observations répétées. C’est un peu pour ça que les meilleurs photos qu’on peut faire sont celles qu’on fait à proximité de chez soi, à 5 minutes à pied, en vélo ou en voiture, parce qu’on peut y aller souvent, on est familier avec le milieu, on peut repérer l’endroit avec la bonne lumière, le bon fond où l’animal vient régulièrement.

C’est un peu plus difficile de faire de bonnes photos dans les endroits où on n’ira qu’une seule fois, que ce soit un safari en Afrique ou en Amérique du Sud. Il faut vraiment y retourner régulièrement pour faire une photo, à mon sens, qui soit bien réussie.

Régis : C’est un excellent conseil. Je recommande souvent de faire des photos, comme tu l’as très bien dit, très proche de chez soi pour y aller le plus souvent possible. En parlant de spot photo, ton terrain de jeu, Christophe, c’est le long du Rhin dans une forêt alluvienne. Est-ce que tu peux rappeler le nom de cette forêt dans laquelle tu vas régulièrement ?

Christophe : C’est une réserve naturelle. Il y en a quelques-unes en Alsace qui sont des préservations, des milieux naturels qu’il y avait avant que le Rhin soit endigué il y a 40-50 ans maintenant. Parmi ces réserves naturelles, il y en a une qui est au nord de Strasbourg qui est la réserve d’Offendorf, qui est à peu près 80 hectares de nature protégée et de milieu qui est protégé.

C’est une forêt qui est dite alluviale, c’est-à-dire qu’elle est de temps en temps inondée par les crues du Rhin, qu’elle était naturellement inondée par les crues du Rhin il y a une cinquantaine d’années. Maintenant elle est artificiellement inondée par un système de vannes qui permet de noyer cette photo à peu près 4 semaines dans l’année.

Actuellement le Rhin est très haut, l’eau passe au-dessus des vannes, elle est de nouveau naturellement inondée. Ça permet de créer un biotope qui est unique parce qu’il se ressemble d’assez près à une forêt primaire, il n’y a pas de taille, il n’y a pas d’élagage, il n’y a pas d’espaces entre les arbres. C’est vraiment une forêt primaire avec des arbres au sol, avec des mousses un peu partout, avec un gibier qui est très difficile à déceler parce qu’il y a plein d’endroits pour se cacher.

Il y a des roselières, il y a plein d’eau, un étang. C’est un milieu qui est assez agréable à la fois pour la promenade et à la fois pour la photo.

Régis : Ça doit être un milieu extraordinairement riche en faune et en flore. L’association d’eau et de forêt dans un même endroit doit donner une diversité d’espèces assez incroyable. Comment tu t’y prends pour repérer la présence de tel ou tel animal ?

Christophe : Pour les mammifères, c’est traditionnellement l’observation des traces de pas sur le sol, donc retrouver quelle trace correspond à quel animal. Ça vient assez facilement. L’observation également des déjections des animaux. Si on cherche à photographier un renard, on saura qu’il faut essayer de trouver des déjections de renard sur des points hauts, sur un tronc d’arbre, sur des choses comme ça.

Pour les oiseaux, en général, il suffit de s’asseoir, de fermer les yeux et d’écouter les bruits des oiseaux environnants pour savoir quelles espèces d’oiseaux on a dans le coin. Pour les pics, pour les mésanges, tout ce qui est grèbe justement, c’est assez facile en ouvrant grand les oreilles de savoir quelle espèce est dans les environs.

Régis : Donc ce sont des techniques qui n’ont absolument rien de révolutionnaire mais qui sont très efficaces. Est-ce que tu penses que ce que tu fais là ça peut aussi fonctionner dans des milieux qui sont réputés moins riches et moins intéressants ?

Christophe : Je pense que oui. C’est-à-dire que si je prends un milieu qui est moins riche ou moins intéressant, ce serait par exemple pour moi  des champs de maïs à perte de vue, comme on a souvent en Alsace. Ça n’empêche pas d’aller faire du repérage. On y trouvera sans doute du chevreuil, sans doute des fois du sanglier, du lièvre, du lapin.

Ça n’exclut pas le fait d’aller faire un repérage pour savoir où se mettre, à quelle heure de la journée. Ensuite c’est un peu au talent du photographe, de l’œil du photographe de s’affranchir de ce milieu qui n’est pas si naturel ou si joli que ça, de façon à isoler le sujet, de créer les conditions de lumière qui feront un bon fond. Le comportement de l’animal sera toujours là. A nous de le capturer.

Régis : Se déplacer un peu plus, faire une centaine de mètres pour découvrir un endroit potentiellement intéressant. Là où tu vas régulièrement, on va dire que c’est très concentré et très proche. On va en venir maintenant Christophe, si tu veux bien, à ces fameux grèbes huppés. Tout d’abord on dit un grèbe huppé ou une grèbe huppée ?

Christophe : On dit un grèbe. C’est effectivement une confusion assez fréquente. J’ai pu m’en rendre compte pendant différentes expositions. Je pense que c’est le côté esthétique de l’animal qui fait ça. Des jolies plumes rousses, un long cou assez fin, un bec fin, je pense que c’est un peu plus féminin, ça entretient un peu cette confusion. Mais on dit un grèbe.

Régis : Ce n’est pas le seul oiseau à subir ce genre de confusion. Je me suis rendu compte il n’y a pas très longtemps après avoir photographié une gorge-bleue, c’était le mâle gorge-bleue parce que c’est lui qui va se mettre en haut de la végétation et crier le plus fort possible pour attirer la belle. Mais on dit bien une gorge-bleue. On va dire le mâle gorge-bleue mais l’espèce c’est une gorge-bleue. Donc il y a comme ça des confusions qui ont un peu la vie dure.

Christophe : Absolument.

Régis : Je pense qu’on l’a tous vu forcément un jour ou l’autre en se promenant vers un lac, vers un point d’eau, sans forcément savoir ce que c’est. C’est un bel animal souvent vu et assez peu connu. Est-ce que tu peux, s’il te plait, nous présenter le grèbe huppé ? Où vit-il, que mange-t-il, quel est son mode de vie, tout ce qu’on devrait savoir si un jour on veut photographier cet animal-là ?

Christophe : D’après les dires de nos ornithos favoris, c’est un animal que l’on retrouve dans la moitié nord de la France, à l’exception de la pointe Bretagne, qui est là de façon continue. Ça contribue à son côté populaire. En pratique dans ma région, je pense que la plupart des individus sont migrateurs. En tout cas, je ne les vois pas l’hiver. Ils reviennent au mois de mars.

C’est un peu là qu’on les entend et qu’on les voit en attendant les premières parades amoureuses. C’est une parade qu’on appelle la marche du pingouin. C’est assez caractéristique de l’espèce. On voit les deux individus qui marchent sur l’eau, qui tapent avec leurs pattes sur la surface de l’eau pour rester le corps entier à la verticale hors de l’eau en tenant chacun de leur côté dans leur bec un bouquet d’algues.

C’est une parade qui est assez bruyante. Au sortir de l’hiver on ne peut pas la manquer. Quand on assiste à une parade de grèbes huppés, ça résonne, ça s’entend sur le plan d’eau. On n’est pas encore au moment où les foulques se courent après, donc c’est à peu près le seul bruit qui résonne sur le plan d’eau à ce moment-là. Début avril, c’est parade continue à ce moment-là.

On peut voir cet oiseau, sa parade nuptiale mars-avril et ça dure jusqu’à l’été. Ça lui donne cette collerette rousse et noire, qui s’arrondit au moment des parades. Il a un long bec effilé, il a des yeux rouges et il a 2 huppes sur le sommet du crâne qui lui donnent ce nom de grèbe huppé, ces huppes qui se redressent verticalement lors des parades ou lorsqu’il est inquiet par exemple. Cet oiseau a également la particularité de faire des nids flottants.

C’est le seul que j’ai dans la région. Ce sont des nids qui se construisent sur des points fixes dans l’eau, ça peut être une branche ou une souche qui ressort un petit peu de l’eau, qui affleure l’eau mais également ils peuvent construire leurs nids dans des roselières. L’accouplement se passe sur le nid flottant. Ça fait partie du charme de l’oiseau. Une des caractéristiques également, dès que les poussins s’éclosent, ils vont se mettre naturellement sur le dos de l’adulte.

On retrouve pas mal de photos sur Internet avec les petits zébrés, ça fait aussi partie du charme de l’espèce, sur le dos de l’adulte.

Régis : Tout ce que tu viens de dire là, c’est un préalable indispensable dès qu’on veut photographier un animal quel qu’il soit. Tu as appris tout ça sur le terrain ou avant tu as fait quelques petites recherches dans des livres ? La démarche naturaliste, tu l’appréhendes comment ?

Christophe : Je crois qu’au départ il y a l’observation sur le terrain. C’est elle dans mon cas qui suscite un peu l’intérêt. Après, on va essayer d’en savoir un petit peu plus sur ce qu’on a vu ou sur ce qu’on a entendu, ou ce qu’on aimerait bien savoir pour retrouver l’animal, savoir de quel côté chercher, savoir comment reconnaitre sa présence au son, connaitre le bruit que fait un grèbe ou quelque autre animal.

Ensuite on a le plaisir de mieux comprendre ce qui se passe sur le terrain quand on les observe. Ça encourage à passer de plus en plus d’heures. On retrouve les comportements qu’on a lus. Ou on va essayer de chercher à l’inverse des comportements qu’on a observés pour mieux les comprendre.

C’est un peu un cercle vertueux qui permet à partir de quelques observations de mieux comprendre l’espèce, de savoir détecter les comportements, de savoir quand on dérange, quand on ne dérange pas, de savoir ce qu’on peut faire et ce qu’on ne peut pas faire.

Régis : C’est à faire avec n’importe quelle espèce animale. Tu as déjà un peu répondu à la question que je vais te poser. Qu’est-ce qui est intéressant à photographier chez le grèbe huppé ? Tu as déjà répondu par rapport à la parade amoureuse qui est bruyante, qui est très ostentatoire. Il y a des choses à faire là-dessus. Aussi les petits qui vont sur le dos. De la femelle ou du mâle ?

Christophe : C’est les deux. Il y a un échange des poussins qui passent alternativement sur le dos de l’un et de l’autre. Il y a une raison assez simple à ça. Pendant que les poussins sont sur le dos de l’adulte, l’adulte ne peut pas plonger pour se nourrir. Les poussins doivent rester à l’air libre. La façon de se nourrir des grèbes est de plonger dans les parties profondes du lac ou de l’étang pour aller y chercher du poisson.

Ça exclut que l’adulte qui porte les jeunes puisse se nourrir. Donc les adultes promènent les jeunes à peu près une heure ou une heure et demie, ensuite l’adulte en question se cabre de façon à ce que les petits tombent dans l’eau. On a les 2, 3 voire 4 petits qui tombent dans l’eau comme des bouchons. Ils vont immédiatement chercher à remonter sur le dos de l’autre adulte, libérant ainsi le premier qui va pouvoir aller se nourrir.

Régis : Des comportements animaliers qui sont fabuleux et qui doivent être très forts émotionnellement quand on observe ça de près comme toi tu as pu le faire.  Tu nous diras d’ailleurs comment tu fais pour te rapprocher de l’animal.

Tu as déjà dit plusieurs comportements vraiment super à photographieRégis : les petits sur le dos, la parade amoureuse, le fait qu’ils tombent quand les parents veulent échanger les petits du mâle à la femelle ou inversement. Y a-t-il un autre ou plusieurs autres comportements qui sont aussi intéressants, qui valent vraiment le coup à photographier, qui méritent d’être sur une « pellicule » ?

Christophe : Il y a plusieurs autres photos dans l’expo qui ont eu pas mal de succès, je pense notamment à une photo où l’on voit un adulte qui sort de l’eau pour retomber sur le nid flottant. On voit l’adulte un petit peu en l’air avec le nid flottant à ses pieds, un peu comme s’il était en train de sauter sur un trampoline.

Régis : N’en dis pas trop sur cette photo parce que justement j’ai une question là-dessus, parce qu’elle a eu beaucoup de succès. J’ai peut-être été le premier à l’adorer, celle-ci. On en parlera un peu plus longuement.

Christophe : On y reviendra. Il y a d’autres comportements qui donnent de jolies photos. Je pense notamment à un des comportements que les grèbes ont, adulte comme poussin, c’est d’ingurgiter des plumes, des petites plumes blanches qui viennent du toilettage. Du fait de consommer ces petites plumes, aussi bien pour les adultes que pour les poussins, permet dans leur estomac de former une boule.

Ces boules vont piéger les arêtes des poissons de façon à ce qu’elles ne perforent pas leur système digestif. Elles vont être digérer plus lentement et se ramollir.

Régis : La nature est vraiment bien faite. Il suffit de réfléchir 2 petites secondes à ce genre de comportement et ce genre d’attitude pour se rendre compte que c’est fou. Tout est prévu. C’est fabuleux.

Christophe : Un autre comportement qui est assez photogénique, comme chez beaucoup d’espèces, c’est l’accouplement. A cela près que chez le grèbe huppé il a lieu sur le nid flottant. On a le mâle qui se tient debout sur la femelle.

L’accouplement dure à peu près une dizaine de secondes. La femelle est allongée avec son long cou qui sort un peu du nid flottant. Son bec est au ras de l’eau. Une fois que l’accouplement est terminé, le mâle se laisse un peu lourdement retomber sur la tête de la femelle. Du coup la femelle a la tête dans l’eau, elle boit la tasse alors que le mâle, lui fièrement, collerette toute sortie, vient de nouveau chercher la parade après l’accouplement.

Régis : Pas très galant le mâle, pas très attentionné sur ce coup-là ?

Christophe : Assez brutal, oui.

Régis : Pour le repérer, finalement ce n’est pas ce qu’il y a de plus dur parce qu’il peut être bruyant à l’époque de la parade, son nid peut être assez facilement vu et quand il est en période de chasse et de plongée sur l’eau, on le voit assez bien. Une fois qu’on l’a repéré, que conseilles-tu par la suite ?

Quelle est l’étape suivante pour le photographier ? Est-ce que je peux directement tenter de prendre des photos ou il y a des précautions à prendre, notamment je pense au dérangement potentiel et même à la qualité des photos futures ? Qu’est-ce que je dois faire une fois que je l’ai repéré sur le lieu ?

Christophe : Le grèbe huppé a quand même une distance de fuite qui est assez grande, pas aussi grand que le héron ou la grande aigrette. Ce sont des oiseaux qu’on peut retrouver sur à peu près les mêmes endroits. Mais c’est quand même une distance qui est assez grande. Je pense que pour faire une photo un peu tranquillement et voir du comportement, depuis la berge il faut au minimum s’allonger pour essayer de se retrouver au niveau du sujet, et si possible mettre un affût sur le bord de l’étang.

Régis : Juste une première petite étape : est-ce que tu crois qu’on peut déjà faire des photos intéressantes sans utiliser l’affût flottant et en restant simplement au bord, en prenant toutes les précautions possibles de camouflage et en étant allongé pour être à la hauteur de l’animal ? Est-ce que déjà ça, ça peut être intéressant ?

Christophe : Je pense que ça peut être intéressant. Ça a ses limitations : le fait de photographier en plongée, ce n’est pas forcément le plus joli à voir. Mais une photo qui serait prise avec une focale pas trop importante qui permettrait de photographier un grèbe dans son environnement à une centaine de mètres, je pense qu’il n’y a pas grande différence qu’elle soit en affût flottant ou sur la berge bien allongé, avec un joli lever de soleil et une petite brume derrière. Je pense qu’il y a de magnifiques photos à faire depuis la berge.

Régis : D’accord. Je pense que la plupart des photos que tu as exposées, aussi dans ton disque dur, ont été faites avec la technique de l’affût flottant. Cette technique peut franchement en rebuter pas mal, ne serait-ce que par la crainte de noyer son matériel par exemple, en tout cas de le faire tomber dans l’eau. Ou encore peut-être l’aspect complexe de mise en œuvre de ce type d’affût-là.

Première question par rapport à ça : est-ce que c’est si difficile que ça de faire l’affût flottant et de s’y mettre ? En fabriquer un, le mettre à l’eau, faire des essais, est-ce que c’est pas mal d’étapes, est-ce que c’est difficile à faire ?

Christophe : Je ne pense pas que ce soit difficile. Je pense que l’appréhension est plus sur le risque de noyer le matériel, qui à mon avis est très faible. Construire un affût flottant, en lui-même c’est assez facile. Dans tous les magasins de bricolage autour des villes, on va trouver des mousses isolantes thermiques, il y en a de toutes les couleurs suivant les marques, il y en a des bleues, il y en a des rouges, il y en a des vertes.

Idéalement on essaiera de prendre une mousse noire parce qu’elle se verra moins une fois que l’affût est dans l’eau. Cette mousse noire on va venir la coller ou la fixer sous une plaque de bois qui supporte l’eau comme le contreplaqué marine. En gros, c’est à peu près la taille d’une petite table, ça a une cinquantaine de centimètres de large à 70 centimètres, en profondeur on a pareil, 50 centimètres. L’affût va former un « U ». Cette petite table va former le fond du « U ». On aura besoin d’accoudoirs pour revenir sur les côtés.

Ces accoudoirs on peut les faire pliables avec une petite charnière, ça permet de replier les accoudoirs sur la petite table, ce qui permettra de le transporter un peut plus facilement dans un coffre de voiture par exemple. Ensuite il faut prévoir de faire un trou pour mettre la rotule de son trépied pour pouvoir fixer l’objectif. L’armature en elle-même qui permettra de positionner la toile, c’est très simple à faire. N’importe quel tuyau de plastique pour faire passer des gaines électriques.

Régis : Les tuyaux en PVC gris creux ?

Christophe : Exactement. Ça permet, si on en a 4, de les assembler en haut avec une croix faite dans le même matériel. Ça permet de faire l’armature. La toile en elle-même, c’est une toile camouflée qu’on peut acheter soit sur Internet, soit dans son magasin de tissus favori quand ils en ont. Avec quelques trous, le tour est joué.

Régis : Effectivement ça demande un peu de travail de bricolage mais le cout reste très modeste. Si on ne se sent pas l’âme d’un bricoleur, il suffit d’aller voir sur Internet en tapant dans un moteur de recherche les mots clés « plan », « affut flottant », on trouve vite quelques conseils. Ou fouiller dans ses vieux magazines d’Image et Nature, là on va trouver des plans assez faciles à mettre en œuvre.

Une fois qu’on est à l’eau, quel comportement ont les grèbes à l’approche de ce gros truc flottant qui n’est pas a priori naturel mais qui pourtant ne peut pas être identifié à l’être humain ? Comment se comportent les animaux avec un affût flottant ?

Christophe : Au début, les animaux restent relativement méfiants par rapport à la structure parce que c’est un élément étranger dans leur environnement. Ce qui convient de faire à ce moment-là, c’est de limiter les déplacements, c’est de rester discret et de les laisser approcher. Au fur et à mesure des séances, les animaux s’habituent à voir la forme.

Ça permet de se rapprocher d’eux de plus en plus facilement. Le grèbe huppé, en début de saison, donc en mars, c’est difficile d’essayer de l’approcher à moins d’une cinquantaine de mètres. En fin de saison c’est eux qui viennent tourner autour de l’affût flottant.

Régis : Par contre la condition, c’est que tu dois y aller régulièrement. On a coutume de dire que pour un affût terrestre il faut le laisser in situ de manière à ce que l’animal l’intègre dans son environnement et après c’est facile, pas d’approcher l’animal parce que c’est lui qui vient à nous, mais c’est assez simple. Pour l’affût flottant on ne va pas le laisser sur l’eau. Toi, en tant que photographe, tu te dois de venir régulièrement pour habituer l’animal à ce gros truc ?

Christophe : Effectivement il faut venir régulièrement pour habituer l’animal mais c’est en y allant régulièrement que ça nous permettra d’observer le plus de comportements et de suivre la vie de l’espèce, pas forcément au jour le jour, mais en tout cas de semaine en semaine.

Régis : D’accord. On rejoint ce que tu disais tout à l’heure. Le fait de n’être pas très loin, à 5 minutes en voiture ou à pied, c’est un des avantages qu’on trouve là directement ?

Christophe : Absolument, oui.

Régis : Quel équipement je dois utiliser pour obtenir de bons résultats ? On pense tout de suite à la focale. Est-ce qu’un 200mm c’est suffisant ? Tu parlais tout à l’heure de 500mm. On n’a pas tous un 500mm. Qu’est-ce que tu conseilles par rapport à ça, une fois quand on est dans l’affût flottant ?

Christophe : Les différentes focales permettront d’avoir différentes ambiances, différentes photos. Si j’ai un 200mm par exemple, ça me permettra de prendre un plan un peu plus large, ça me permettra d’avoir l’animal dans son environnement, d’apprécier un peu plus ce qui se passe autour. Ça demande d’être beaucoup plus exigeant sur tous les éléments parasites, les branches parasites, tous les mauvais contrastes qu’on peut avoir sur le plan de la photo.

Si on a l’intention de photographier un peu plus de comportements, il faut une focale un peu plus importante, un 500mm est assez pratique de ce côté-là, ça permettra d’avoir une photo assez rapprochée du comportement de l’animal, que ce soit un accouplement, que ce soit des petits, que ce soit une zone de pêche, que ce soit un combat entre 2 couples de grèbes.

Je pense qu’il est bon de faire des photos pas qu’avec le 500, mais avec le 500 et une focale un peu moins grande, de façon à ne pas avoir que des gros plans de l’animal et ne pas se limiter à ça.

Régis : Moi je ne pratique pas l’affût flottant. J’ai donc très peu d’expérience là-dedans. Mais est-ce qu’une fois que tu es dedans tu peux être opportuniste ? Dans un affût terrestre on est très passif, on attend que ça se passe, si les choses ont bien été faites avant, il y a pas mal de choses qui se passent devant nous. Pour la billebaude, il faut être opportuniste et être assez réactif.

Est-ce que, sur l’affût flottant qui est un peu un mix des 2, on a un affût dans lequel on peut se déplacer, tu peux être opportuniste au sens où tu as décidé de faire du grèbe ce jour-là mais s’il y a d’autres choses qui se présentent, tu vas quand même un peu dévier de ton objectif initial ?

Christophe : Absolument. Il y a des jours, il y a des moments même, quand les grèbes se reposent, ils vont rester sans grande activité, dans le même temps on peut avoir un ragondin qui passe, on peut avoir une martre qui traverse sur un tronc, on peut avoir un renard qui vient au bord de l’eau, on peut avoir un martin-pêcheur sur la branche juste à côté, voire un héron.

Donc on peut se déplacer, se rapprocher. On peut  être opportuniste dans le sens où on va vouloir mieux cadrer. Donc on va se déplacer pour essayer de chercher un fond qui soit un peu plus lumineux, une meilleure lumière, un meilleur cadrage. Comme tu l’as dit, c’est l’avantage des 2, c’est de l’affût et de la billebaude.

Pour moi c’est extraordinaire. L’avantage que j’y vois également, c’est qu’on n’a pas à supporter le poids de son matériel dans le sac à dos, on est léger comme l’air, l’eau nous porte, on peut rester des heures et des heures.

Régis : C’est vraiment un mode d’approche photographique qui doit être assez passionnant, d’autant plus qu’en tant qu’être humain inféodé au milieu terrestre, c’est un monde qui nous est complètement inconnu. On accède à un univers naturel qu’on ne connait pas. Je pense qu’il doit être assez riche et assez fort en émotions. Ça doit être quelque chose assez sympa à faire.

En termes de réglages, Christophe, est-ce qu’on reste dans les grands classiques, à savoir une grande ouverture pour avoir une vitesse importante, pour avoir un fond flou ? Par rapport à la mise au point, quels sont les grandes choses qu’il faut faire quand on est dans le cadre de la photo en affût flottant sur un milieu aquatique ?

Christophe : Les réglages ne sont pas foncièrement différents de ce qu’on peut faire dans n’importe quel autre milieu. Le fait qu’on prenne quelque chose de vivant et qui bouge, ça incite à se mettre en AI Servo, donc à faire le suivi du sujet sur le collimateur de façon à s’assurer au maximum la netteté du sujet lors de la prise de vue.

Pour ma part, je n’utilise pas le mode rafale, donc je suis souvent vue par vue. Les photos que je prends ne sont en général pas prises à pleine ouverture. Je me mets assez volontiers à f8 plutôt que f4.

Régis : Pour quelle raison ?

Christophe : J’ai une meilleure profondeur de champ, un peu plus grand et ça me permet d’égrainer la netteté, par exemple des plumes et de l’œil, alors qu’en f4 lorsque le sujet est assez proche il faut choisir la netteté de l’œil et on n’a pas le détail dans le plumage, ce qui me gêne un peu parce que lorsqu’on voit le grèbe de façon assez importante sur la photo, j’aime bien que l’ensemble du sujet soit net.

Régis : Ce n’est pas trop handicapant pour la vitesse d’obturation. Est-ce que tu arrives quand même à avoir des vitesses d’obturation assez importantes pour bien figer le mouvement ?

Christophe : C’est un peu pourquoi j’adore le 5D Mark iii, c’est qu’on peut monter très haut en iso en ayant toujours de bonnes photos, ce n’est pas trop handicapant côté vitesse de prise de vue. On arrive quand même à avoir une baisse assez importante. Il ne faut pas oublier également que sur l’affût flottant, on est sur un trépied en permanence. On peut se permettre des vitesses qui sont relativement basses par rapport à prendre une photo sans trépied.

Régis : Malgré le clapotis de l’eau, on arrive à avoir une stabilité qui est intéressante ?

Christophe : En général, il n’y a pas de clapotis de l’eau. S’il y a du clapotis de l’eau, c’est  qu’il y a du vent. S’il y a du vent, notre affût flottant sert un peu de voilier donc c’est impossible de faire de la photo. L’affût flottant entre guillemets permet de faire de la photo tranquillement quand il n’y a pas de vent. S’il y a un peu de vent, on se transforme en bateau à voile, ce n’est pas très agréable.

Régis : D’accord. Tu disais à l’instant que tu utilises pas mal le mode vue par vue et assez peu le mode rafale. Ne me dis pas que, pour ta photo du grèbe qui se jette, on a presque l’impression qu’il crie banzaï quand il se jette sur son nid au milieu de l’eau, tu étais en mode vue par vue ? C’est bien en rafale pour chopper pile ce bon moment-là ?

Christophe : Il y a toujours des exceptions. L’exception vient du fait que je sais ce qu’allait faire le grèbe, donc j’ai pu choisir le mode rafale à ce moment-là pour profiter de l’action qui allait venir. Mais en général je reste en vue par vue.

Régis : Tu savais qu’il allait faire ça. Quels étaient les indices de comportement de l’animal préalable à ce saut dans ce nid ?

Christophe : Là, on revient sur cette photo où on voit le grèbe qui est en l’air, il est au-dessus du nid flottant, il donne un peu l’impression de faire du trampoline. Ce qui se passe à ce moment-là, c’est la construction du nid dans une partie dégagée du lac, régulièrement la femelle vient tester la stabilité du nid, donc arrête d’apporter des branches, arrête d’entasser des branches et doit se mettre sur le nid pour disposer les branches et les algues qui ont été ramenées, assurer la stabilité et éventuellement prendre une posture d’accouplement , c’est-à-dire s’allonger sur le nid tête en avant et inviter le mâle à venir la rejoindre.

Cette phase se fait toujours un peu de la même façon. Le grèbe arrive derrière le nid, droit dessus, marque un temps d’arrêt et ensuite va bondir hors de l’eau pour se retrouver entre ciel et terre au-dessus du nid. Là, il suffisait de choisir le bon point de vue pour donner l’impression que le grèbe était en train de faire du trampoline sur le nid.

Régis : J’adore le mot « suffisait ». C’est toute la modestie du photographe animalier qui fait une photo extraordinaire. Le « suffisait », c’est des heures et des heures de présence sur place qui font que tu as pu faire cette photo qui est vraiment extraordinaire. Est-ce que tu peux donner un dernier petit conseil pour la route ?

Christophe : Volontiers. Pour moi, une bonne photo animalière, comme on en parle depuis quelques minutes maintenant, c’est le résultat d’un bon repérage, d’une bonne connaissance de l’espèce qu’on veut photographier, c’est accumuler de nombreuses observations. La photo c’est le point final. Le clic qu’on fait avec le déclencheur, c’est la fin de tout ce processus d’observation.

Pour moi, ce processus d’observation se fait beaucoup mieux avec une paire de jumelles qu’avec un 500mm. Donc mon conseil pour la route, c’est « sortez léger et sortez souvent ».

Régis : Je te rejoins à 100%. Je suis un fan de jumelles, rien que pour le plaisir d’être proche de la scène avec tout le confort qu’on peut avoir quand on regarde dans une bonne paire de jumelles. C’est un excellent conseil et je te rejoins à 100%. Christophe, dernière petite chose et pas la moins importante, les Anglais diraient « last but not least ». Où peut-on voir tes photos ? Est-ce qu’on peut se procurer certains de tes tirages ? Comment on peut faire si on veut avoir un tirage de tes photos ?

Christophe : Le plus simple c’est de me contacter via mon site Internet. Sinon mes photos sont sur l’agence Biosphoto. L’un ou l’autre, j’y répondrai très volontiers.

Régis : D’accord. Super. Merci beaucoup Christophe pour cette cinquantaine de minutes passées en ta compagnie. Tes conseils sont excellents. C’est un vrai plaisir de t’écouter parler de ce formidable animal et la technique de l’affût flottant.

Christophe : Merci beaucoup Régis pour ton temps et pour cette interview.