Le chat sauvage d’Europe, ou chat forestier, est un animal emblématique de la photo animalière. Ses attitudes félines le rendent très différent d’un renard auquel il est pourtant souvent associé. Le chat forestier est précieux, il n’aime pas se salir, il n’aime pas se mouiller, sa chasse est lente et patiente. Tout l’inverse de maître renard (vous pouvez lire cet article que j’ai écrit : photographier le renard).

IMPORTANT – cet article a été rédigé par Fabien GrébanPhotographe animalier professionnel, c’est lui qui s’exprime dans cet article.

1/ Connaître le sujet

[Note de Régis : dans cet article, les termes de chat sauvage et de chat forestier seront utilisés indifféremment, tout en sachant que pour être rigoureux, il faudrait écrire Chat Sauvage d’Europe plutôt que Chat Sauvage tout court … le chat sauvage d’Europe étant une sous-espèce du Chat Sauvage]

Comme toujours, pour photographier un sujet sauvage, il faut commencer par se renseigner sur ses mœurs. Le chat sauvage est bien mystérieux, mais voici quelques éléments issus de mon expérience :

  • La vie sociale du chat forestier est méconnue. Il passe une grande partie de sa vie en forêt comme son nom l’indique, là où il est exceptionnel de l’observer tant il y est discret.
  • Le chat forestier chasse principalement les micro-rongeurs. Quand ceux ci sont suffisamment nombreux en forêt, ce ne sera pas une bonne année pour le photographier car il restera a l’abri des arbres. Par contre, quand il peine à se nourrir dans les bois, il chasse en prairie, à la recherche du campagnol terrestre. Ce sera alors l’occasion d’essayer de le photographier.
  • Le chat sauvage est difficile à leurrer. Toujours calme, il se déplace lentement. Ainsi, rien ne lui échappe. Avec ses sens développés, il fuira au moindre doute. Très craintif, il peut scruter la prairie de longs moments avant de s’y aventurer. Pour cela, il grimpe souvent aux arbres en lisière de bois.

Pour aller plus loin dans l’étude du comportement du chat sauvage d’Europe, la page Wikipédia est bien faite. Voici aussi un dossier PDF très complet, quoique pas très récent, sur la répartition du chat forestier.

2/ Pourquoi photographier le chat forestier

Ne choisissez pas de photographier felis silvestris silvestris si vous voulez réaliser des images pour plaire au grand public. En effet, pour celui-ci ce sera presque un simple chat de gouttière …

Par contre, pour les naturalistes, le chat forestier est presque un graal, certes moins prestigieux que le lynx ou le loup mais il est tout de même très recherché.

Comme tous les prédateurs, le regard du chat forestier est très expressif. Croiser son regard vert vous envoutera sans aucun doute. Je peux vous assurer que lorsque vous apercevrez le chat s’approcher de vous, vous aurez le plein d’émotions, sentant votre cœur battre fort dans votre poitrine.

Le chat étant un chasseur, son regard porte au loin, ce qui le rend expressif. Il est alors plus facile de photographier une belle attitude, contrairement à un herbivore, le nez dans l’herbe à brouter.

3/ Où photographier le chat forestier

Le chat sauvage n’est pas présent sur tout le territoire français. Il est concentré dans un large quart nord-est, mais son aire de répartition tendrait à augmenter.

Comme son nom l’indique, le chat forestier vit en forêt … Mais il sera très difficile de l’y observer. Pour le photographier, il faut attendre qu’il quitte le couvert des arbres pour aller chasser dans les prairies.

Il faut donc le chercher dans les prairies situées à proximité des forêts, même si je l’ai déjà observé à quelques occasion à plusieurs kilomètres de la forêt la plus proche (dans un milieu de bocage, avec de nombreuses haies).

Si le chat sauvage quitte la forêt, c’est pour chasser. Il faut donc concentrer ses recherches sur les prairies à forte densité de campagnol, notamment du campagnol terrestre (le plus gros) qui est facilement repérable grâce aux taupinières qu’il construit.

4/ Quand photographier le chat sauvage

Quand dans la journée

Le chat forestier est difficile à cerner. Il chassera à heure régulière dans la même prairie pendant quelques jours avant de disparaître pendant plusieurs semaines. La difficulté à l’observer et par conséquent à le photographier contribue sans doute à le rendre mystérieux, et ainsi encore plus attirant.

Actif le jour, mais aussi sans aucun doute la nuit, j’ai plusieurs fois « piégé » en photo le mystérieux félin en plein milieu de la nuit.

Je l’observe chasser en milieu de journée, et le lendemain, quand je viens me poster à l’affût au lever du jour le chat est déjà là. Alors que d’autres fois, il sort de la forêt entre 17h et 17h30 pendant plusieurs jours d’affilés.

Vous l’aurez compris, le chat forestier ne se laisse pas photographier facilement. Sa chasse photo est donc « réservée » aux photographes les plus motivés.

Une chose est sure, le chat n’aime pas se mouiller, il sera donc moins actif les matins avec une forte rosée. Mais il y a toujours le contre-exemple …

Quand dans l’année

On peut rencontrer le chat forestier toute l’année, mais il semble plus actif de jour à certaines occasions :

  • comme pour le renard, les vagues de froid sont favorables à l’observation du chat. Mais celui-ci souffre beaucoup de l’enneigement. C’est d’ailleurs pour cela que le chat sauvage n’est pas présent au dessus de 1000m d’altitude environ. Un hiver trop rigoureux entraînera une forte mortalité chez le félin (comme en 2012), il faut donc absolument veiller à ne pas le déranger à cette période.
  • en été, la fenaison est aussi favorable pour le chat que pour le renard. C’est une période très propice pour le rencontrer. Mais durant tout l’été, vous pourrez l’observer chasser dans les prairies où l’herbe n’est pas trop haute.

5/ Comment photographier le chat forestier

Le chat forestier est très craintif, c’est pourquoi je préfère le photographier à l’affût, où les risques de dérangement sont les plus faibles.

Mais le caractère imprévisible du chat impose un repérage précis avant de commencer l’affût. Il faut aussi être réactif, n’attendez pas 15 jours avant de commencer les séances d’affût quand vous avez repéré le félin.

Le chat peut veiller en haut d’un arbre avant de descendre dans la prairie. Il faut donc soigner sa venue sur le poste d’affût. De même, une fois la séance terminée, il faut partir discrètement.

Si je souhaite me poster à l’affût le matin, je préfère arriver avec une luminosité suffisante me permettant de vérifier que le chat n’est pas déjà là. 30 à 45 min avant le lever du soleil seront généralement parfaites. Si le chat est actif l’après-midi, je prévois généralement une installation 2h avant son arrivée prévue …

Cependant, quand les conditions sont favorables, il m’arrive de tenter l’approche sur le chat. Pour cela, il faut pouvoir se déplacer silencieusement (pas de feuille morte craquante au sol, ni de neige gelée) et dans un secteur où le terrain permet d’avancer masqué.

Bien évidemment, comme pour tous les mammifères (ou presque), il est indispensable de se placer à bon vent. Si le chat sent votre odeur, l’espoir de réaliser une image partira en fumée, et vous l’aurez dérangé pour rien …

Que ce soit pour l’affût ou l’approche, il faudra porter une tenue adéquate (camouflage), sans oublier les gants et la cagoule bien sur.

Pour cette photo de chat sauvage dans la neige, j’ai eu la chance de l’apercevoir avant de me faire repérer alors que j’étais en chemin pour l’affût. Les clés de la réussite de cette image :

  • Une neige silencieuse,
  • un vent bien orienté,
  • une tenue blanche,
  • une marche lente et attentive.

Dès que je l’ai aperçu, je me suis couché sur le sol, le hasard faisant que le chat continue de venir dans ma direction.

Pour les exifs de cette image :

  • Nikon D800,
  • Nikon 500mm F4 AFS VR,
  • f/8,
  • 1/1250s,
  • 400 iso,
  • +2/3 Il,
  • AFS.

J’ai choisi de fermer à f/8, car sur la neige, la réverbération et l’évaporation peuvent diminuer le piqué. De plus la blancheur uniforme du fond ne demande pas d’être floutée par une grande ouverture. Comme toujours par temps gris sur un sol enneigé, il faut surexposer pour rendre la neige bien blanche, ici+2/3 Il.

Enfin, j’ai choisi un mode d’autofocus statique (AFS / one shot) avec le collimateur central (je décentre ensuite avant de déclencher) pour éviter les soucis de mise au point souvent engendrés par la neige.

6/ Étudier les travaux d’autres photographes

Je vous recommande le superbe livre de Fabrice Cahez « Le chat sauvage, les yeux dans les yeux », aux éditions Art&Nature (2010).

[Note de Régis : je recommande aussi chaudement. Vous pouvez aussi retrouver Fabrice Cahez dans mon interview]

Joel Brunet est également reconnu pour ses superbes images de chat forestier.

7/ Rencontrez le chat forestier

Si vous souhaitez rencontrer le chat forestier, je propose des stages de photographie animalière dans le massif du Jura. Mais il faut préciser que les chances de succès ne sont pas aussi élevées que pour d’autres espèces.

Plus d’infos sur mon site web : www.faune-jura.com