David Greyo est avant tout un naturaliste. Il est venu à la photo animalière par la suite pour pouvoir mémoriser ses rencontres et ses observations. Il a donc appris la pratique de la photo sur la tas, comme beaucoup de photographes animaliers. Même si la photographie nature en générale et la photo animalière en particulière est son coeur d’activité, il se tourne depuis quelques temps vers d’autres domaines photographiques, comme les reportages en milieu professionnel ou les photo de mariage.

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David Greyo fait parti de plusieurs agences en Europe qui distribuent ses images. Il est fréquemment publié dans des magazines de références nature comme Image & Nature, Nat’images, Terre Sauvage ou Alpes Magazine … Il a remporté de nombreux concours qui démontrent la qualité de ses photos :

  • Festival de Montier-en-Der – France (2010 à 2007)
  • Festival Nature de Namur – Belgique (2011 à 2007 – Grand Prix, 2009)
  • Wild Wonders of Europe – Royaume-Uni (2011, 2009)

David Greyo fait donc figure de référence dans le monde de la photo animalière et bon nombre de jeunes (ou moins jeunes !) photographes auraient tout intérêt à s’inspirer de son travail 🙂 . Pour le découvrir, justement, son travail, David possède son propre site internet et une galerie sur le site 500px.

Retrouvez également le site du collectif de photographes animaliers Eresus Nature. Enfin, David Greyo fait parti d’une association pour la sauvegarde et la défense des grands singes : Projet Primates. Cliquez ici pour découvrir le formidable travail de cette association.

Dans cette interview audio du photographe animalier David Greyo vous apprendrez :

  • le parcours photographique de David Greyo
  • quel est l’objectif photo préféré de David
  • l’origine de l’association photo Eresus Nature
  • pourquoi participer à des concours photos
  • les conseils de David Greyo pour faire de la photo animalière son métier
  • comment organiser un voyage photo
  • le récit de son voyage en Norvège avec les aurores boréales
  • le making off d’une des images favorites de David (un écureuil de Corée en Inde)

Voici quelques images de David :

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Retrouvez ci-dessous la transcription texte de l’interview :

Régis Moscardini : Bonjour David Greyo. Je te remercie d’avoir accepté mon invitation pour cette interview.

David Greyo : Bonjour, merci à toi surtout.

Régis Moscardini : Alors pour que tout le monde puisse bien savoir qui tu es, est-ce que tu peux te présenter en quelques mots s’il te plait ?

David Greyo : En quelques mots, ça va être difficile, mais comme j’ai tendance à être bavard, mais je vais essayer. Pour faire simple, j’ai commencé la photo par l’approche naturaliste, puisqu’avant tout la photo était pour moi un outil dans mon activité de protection de la nature, plus pour déterminer des plantes, pour justifier ce que j’avais vu, garder un peu en mémoire des observations.

Et puis progressivement j’ai pris goût à la photo sur son aspect plus artistique et j’ai développé, en tout cas j’ai essayé de développer cet aspect-là dans ma prise de vue. Et depuis 5 ans maintenant, la photo a pris le pas sur le reste de mes activités puisque j’ai quitté mon ancien travail dans la protection de la nature pour me consacrer à 100% à la photographie.

Régis Moscardini : D’accord. Donc en résumant en quelques secondes, tu es d’abord naturaliste et c’est la photo qui est venue après pour montrer ce que tu faisais, pour mémoriser ce que tu faisais.

David Greyo : Oui, complètement. C’était des besoins d’illustrations pour mes rapports de biologiste, et puis au départ une utilisation pour parvenir à sensibiliser les gens au travail qui était fait dans la protection et à la nécessité de protéger la nature. Ça a vraiment été le démarrage de mon envie de persévérer dans la photo, c’était de me rendre compte que mes images pouvaient avoir un poids ou au moins apporter une petite goutte de plus pour aider à la préservation ou au moins sensibiliser les gens.

Régis Moscardini : Est-ce que ce n’est pas trop dur de passer de photographies naturalistes purement professionnelles, sans aucune émotion, à justement des photos qui peuvent faire naitre une émotion chez le spectateur ?

David Greyo : Oui, effectivement. Le problème, c’est qu’au départ la photographie naturaliste c’est ce qui s’apparente pratiquement à de la photo documentaire, à de la photo de vacances, c’est-à-dire qu’on est juste là pour saisir simplement des critères ou une espèce, sans se préoccuper vraiment de l’impact qu’elle aura et de l’aspect artistique. Et c’est effectivement difficile de se détacher au départ, en tout cas ça m’a été difficile de me détacher vraiment du sujet pour ce qu’il est et plus pour essayer de l’utiliser comme support artistique et graphique pour créer une image plus intéressante.

Régis Moscardini : Donc, ça veut dire que tu as regardé un peu ce que faisaient d’autres photographes pour t’inspirer, voir ce qui se faisait dans l’air du temps, tu t’es confronté à d’autres œuvres d’art pour justement développer ton aspect créatif, comment as-tu fait ?

David Greyo : Oui effectivement, même la photo depuis le départ, je crois qu’on commence tous comme ça, à regarder les images des autres, avant que ça nous donne une idée d’en faire, j’ai commencé il y a une vingtaine d’années, c’était des livres, et puis progressivement le numérique et les forums ont fait leur apparition, c’est vrai que plusieurs photographes ont été des sources d’inspiration, certains sont devenus des copains et on a fait des sorties ensemble et tout, ce qui m’a permis de m’imprégner un peu de leur vision.

Et puis c’est vrai qu’Internet est une grosse source d’inspiration, même encore maintenant de toute façon.

Régis Moscardini : Je sais que tu es sur le site de 500pixels, je suis d’ailleurs allé voir ton portfolio et au-delà de ta présence c’est vrai qu’on peut y trouver vraiment des vraies petites perles qui peuvent donner pas mal d’idées.

David Greyo : Merci.

Régis Moscardini : Alors les photographes animaliers ont tous leur terrain de jeu favori, soit un habitat particulier comme la forêt par exemple, une saison comme l’hiver, le froid, la neige. Alors pour toi, j’avoue que j’ai eu un peu de mal à trouver ton terrain de jeu préféré. Alors lequel est-ce ?

David Greyo : Je crois que j’essaie de ne pas en avoir justement.

Régis Moscardini : Donc c’est presque voulu alors ?

David Greyo : Oui, un petit peu. J’ai des domaines de prédilection. Dans mon passé de naturaliste, même si je le suis resté, j’ai toujours tenu à être généraliste pour ne pas me mettre des barrières, m’enfermer dans une thématique précise. Je crois qu’en termes de photos je suis un peu dans cet esprit-là aussi, je suis assez ouvert à tout, tout m’intéresse, ça a un inconvénient d’être bon nulle part mais ça a l’avantage d’avoir une vision un peu globale et puis de s’essayer à tout, de s’amuser à tout.

Régis Moscardini : Bon nulle part, je te trouve un petit peu sévère parce que je trouve pas mal ce que tu fais. Comment tu fais pour choisir un sujet parce que si tu es passionné par la photographie en forêt, voilà tu as déjà une orientation, toi c’est quoi, ce sont des opportunités qui te disent je vais faire un travail là-dessus, comment tu fais ?

David Greyo : Alors j’ai quand même des thèmes de prédilection qui vont m’encourager à choisir des destinations particulières, c’est le cas pour les orchidées sauvages qui restent ma thématique de prédilection au niveau naturaliste et qui le reste en termes de photos. Après, c’est pas mal d’opportunités effectivement, chercher l’idée de ce que les autres font pas ou font moins, chercher ce qui peut m’intéresser sur le moment, ça peut être un peu tout et n’importe quoi.

Régis Moscardini : D’accord, ça ne répond pas vraiment à une logique, c’est une inspiration du moment, tu viens de le dire.

David Greyo : Oui, complètement, inspiration et opportunité, je crois que le terme était vraiment bien choisi.

Régis Moscardini : Alors, parle-moi un peu matériel parce que je sais que les auditeurs aiment bien cet aspect-là des choses. Alors tu es chez Canon, tu possèdes des objectifs qui font rêver pas mal de photographes. Mais si tu devais en garder qu’un seul, la question un peu classique, mais c’est vrai qu’on n’a pas tous les moyens de s’offrir des gros cailloux, alors lequel prendrais-tu et surtout pourquoi, pour que ça puisse guider certains auditeurs à peut-être choisir leurs objectifs ?

David Greyo : J’en ai deux de prédilection. Mais juste avant sur le matériel, je voudrais juste préciser que je n’ai jamais été un passionné de matériel, il y a des photographes qui aujourd’hui finalement sont plus passionnés de matériel que de photo réellement, moi le matériel m’importe peu, j’ai acquis au fil du temps et selon mes besoins du matériel effectivement qui maintenant est de qualité mais j’ai commencé avec presque rien, je faisais des photos qui étaient tout aussi intéressantes, il me semble, et finalement le matériel importe assez peu.

Donc le choix que je garderais, les objectifs que je garderais, ce n’est pas tant par rapport à leur qualité ou par rapport à leur valeur, plus par rapport aux photos qu’ils me permettraient de faire. Si je n’en gardais qu’un, je pense que l’objectif macro serait surement un qui serait en lice pour rester

Régis Moscardini : C’est par rapport aux orchidées, j’imagine, par exemple ?

David Greyo : Oui, mais pas que les orchidées, parce que je trouve que la discipline de macro c’est vraiment le truc qu’on peut faire à tout moment, n’importe où, n’importe quand, sans préparation particulière si on veut.

Régis Moscardini : Dans son jardin à 10 mètres de sa maison par exemple ?

David Greyo : Oui, c’est ça, il suffit d’avoir 10 minutes, de descendre en bas de chez soi et puis on a un monde qui s’offre à nous, il suffit de trouver des idées et de trouver l’inspiration pour faire des images. Donc finalement, si je devais vivre la frustration de n’en garder qu’un, celui-là me permettrait surement de m’éclater le plus.

Régis Moscardini : D’accord. Je reviens sur ce que tu disais en début de ta réponse, c’est vrai que quand on lit ta liste de matériel sur ton site Internet, ça fait rêver, et en même temps tu l’as dit, tu as acquis ça pas en une seule fois mais au fur et à mesure de ta pratique qui date depuis plus de 20 ans

David Greyo : Oui, c’est ça, j’ai des objectifs qui ont 15 ans que j’ai toujours. Je pense au 300 2.8 qui serait un objectif dont j’aurais dû mal à me séparer aussi. Celui-là, je l’ai depuis 15 ans.

Régis Moscardini : Alors tu fais partie du collectif des photographes nature Eresus nature en compagnie d’autres photographes comme Christophe Salin ou Oliver Simon par exemple. J’aimerais savoir qui est à l’origine de ce collectif et surtout quel est son but ?

David Greyo : En fait l’origine, je pense que, sans modestie aucune, mais je pense que j’ai été le moteur mais l’origine elle a été collective, c’est-à-dire que c’est avant tout une bande de potes et on avait l’habitude de travailler ensemble, quand je dis travailler, c’est répondre communément à des demandes de photos, de magazines, d’agences, etc., et dès qu’on n’avait pas ce qu’il fallait, on s’appelait les uns les autres pour savoir si l’autre pouvait avoir et vendre l’image à notre place.

Et en fait on s’est dit que c’était une démarche qui nous permettait d’être plus forts, si on pouvait grouper nos photothèques, on pouvait mieux répondre aux demandes et si on répondait mieux aux demandes, a priori on nous demanderait plus souvent des images. Donc on a voulu officialiser ça en créant une structure et il nous a semblé que le statut associatif était vraiment intéressant par rapport à ça et nous permettait aussi de développer des activités d’initiation et de sensibilisation.

Régis Moscardini : Super, tu as répondu aux deux questions que je voulais te poser par la suite, c’est parfait. Donc c’est bien une asso de loi 1901, tout simplement.

David Greyo : Oui, tout à fait. ça nous semblait important d’avoir une structure qui nous permettait d’officialiser, entre guillemets, le travail en commun qu’on faisait ensemble. Et puis l’idée aussi, c’était de pouvoir faire des expos collectives, des choses comme ça. Et la structure associative est un bon moyen d’avoir un statut quand même pour pouvoir faire ce genre de choses.

Régis Moscardini : D’accord. Donc moi, si je comprends bien, je suis une agence photo, je fais une commande de reportage à l’association Eresus, et à la limite je ne sais pas vraiment qui va m’apporter les photos mais je les aurai. Je ne sais pas quel est le photographe qui me les apportera mais je les aurai. C’est un peu ça ?

David Greyo : C’est un peu ça l’idée. Au final on saura qui est le photographe par rapport aux droits mais c’est un peu ça. Une collectivité qui nous commande une liste d’espèces, du coup celui qui la reçoit parmi nous la communique aux autres et derrière au lieu que la collectivité reçoive des images d’un photographe, elle a le choix entre des images de six photographes.

Régis Moscardini : Est-ce que c’est compliqué à mettre en place, j’imagine que non parce que une association loi 1901 c’est assez simple ? Et est-ce que tu encourages certains photographes qui nous écoutent à le faire justement pour bénéficier d’une puissance de frappe plus importante ?

David Greyo : Alors compliqué, ce ne l’est absolument pas, créer une association, il n’y a rien de plus simple. Après, la faire vivre et gérer la structure, c’est déjà plus difficile, d’autant que nous on est éparpillés, moi je suis en Suisse, Christophe Salin est en France maintenant mais il était en Belgique avant, on a Nicolas qui est au Canada, même en France géographiquement tout le monde est éloigné. Et c’est ça qui fait que c’est difficile de mener des projets collectifs, de réussir à avoir une ligne de conduite où on est disponible et sur la même longueur d’onde tous les six.

Régis Moscardini : Alors, pour être un peu moi-même dans le milieu associatif, il est clair que je vous tire mon chapeau, parce que quand je vais sur votre site Internet, on voit que ça vit, les sujets changent régulièrement, le site est mis à jour, et ça je sais que c’est un gros travail.

David Greyo : C’est loin d’être aussi parfait qu’on le voudrait. Et depuis le début de l’année, on l’a même mis un peu en suspens parce qu’on s’est posé pas mal de questions par rapport à l’énergie que ça demandait justement et au retard qu’on prenait sur tous les projets qu’on a. Là, on aimerait modifier le site, améliorer des choses, changer un peu le fonctionnement, et ce qui fait que depuis le début de l’année, on n’y met un peu moins d’énergie.

On est aussi la moitié d’entre nous, on est photographe à plein temps, on a d’autres activités à côté, on a pas mal de boulot chacun de notre côté, ce qui fait qu’on a un peu moins de temps pour s’occuper des activités collectives en fait.

Régis Moscardini : Bien sûr. Alors pour en finir là-dessus, pourquoi Eresus ?

David Greyo : Alors là, ça a été vraiment le hasard en fait. Eresus, il faut savoir que c’est une petite araignée méditerranéenne, des sols calcaires, c’est une araignée un peu emblématique pour les amateurs d’araignées, c’est une des sympas qu’on peut avoir en France.

Régis Moscardini : D’accord.

David Greyo : Et à la période où on cherchait un nom pour le collectif, on avait déjà l’idée du collectif, on avait déjà bossé sur les statuts de l’association et tout, il nous restait à trouver un nom et un visuel. Et c’est lors d’un week-end qu’on a fait tous ensemble dans la Drôme provençale que sur le terrain on est tombés sur un beau mâle de cette araignée-là, et le fait de faire cette découverte-là, tous ensemble quand on était en plein brainstorming.

Ça nous a semblé une évidence que cette araignée était assez symbolique et elle a la particularité d’être rouge et noire, et ça nous semblait répondre à la fois à la problématique de trouver un nom et à la fois à la problématique de trouver une charte graphique. Ça explique aussi les couleurs du site.

Régis Moscardini : Exactement. J’allais y venir que c’est réussi et j’aurais peut-être pu trouver tout seul parce que les petits points qui font les retours à la ligne, ce sont des araignées rouges et noires, donc finalement la boucle est bouclée. Alors, tu es le lauréat, David, de nombreux concours photos, d’ailleurs la liste sur le site Eresus est assez impressionnante. Alors première question : en quoi est-ce important de participer à des concours photos ? Est-ce simplement pour flatter l’ego ou parce que tu as une vraie démarche derrière ?

David Greyo : Moi, je vais être carrément honnête, les ventes de mes images ne me rapportent pas assez pour en vivre et tout revenu complémentaire est le bienvenu. Et pour être honnête, c’est vraiment une source de revenus complémentaires, complètement incertaine, complètement aléatoire, mais néanmoins une source de revenus non négligeable quand on est photographe pro.

Régis Moscardini : D’accord. Donc le fait d’avoir participé et réussi à des concours photos, ce sont un peu des lignes de CV pour montrer un petit peu ton savoir-faire ?

David Greyo : Oui, c’est ça, mais c’est aussi le revenu direct des prix des concours.

Régis Moscardini : Des prix des concours tout simplement, d’accord.

David Greyo : C’est terre à terre, c’est complètement basique. Mon ego, il y a longtemps que je l’ai mis loin et si je le faisais que pour ça, ce serait complètement ridicule. Par contre les gains qui rentrent, c’est toujours bon à prendre, quand on ne vit que de ça.

Régis Moscardini : D’accord. Alors la question qui suit est tout à fait en lien par rapport à ce que tu viens de dire. Alors quand je vois des sites Internet d’autres photographes qui sont connus comme toi, je pense à Philippe Moës, à Fabien Gréban et à bien d’autres encore, je vois toujours le petit onglet « stages photos ». Alors ça signifie, et tu viens de le dire, que c’est difficile de vivre que de la vente de ses photos, donc encore une fois les stages photos c’est un complément de revenus ?

David Greyo : C’est clair. C’est clair qu’il n’y a que par la diversification qu’on arrive à peu près à s’en sortir les uns et les autres, je pense. Je pense que c’est vraiment l’évolution du métier de photographe, là il y a 20 ans les photographes pro avec un petit stock d’images arrivaient à se faire un salaire, maintenant vendre directement ses images ça ne représente rien du tout dans mes revenus annuels, par contre il y a une grosse demande en termes de stages, de voyages, d’encadrement et de formation, donc voilà on le fait aussi pour compléter le salaire.

Après, je le fais bien volontiers parce que dans mon ancien métier je faisais des animations de sensibilisation pour la protection, pour la découverte de la nature, donc finalement c’est toujours quelque chose que j’ai fait volontiers, et je préfère emmener des gens sur le terrain, les former, leur expliquer, leur apprendre à reconnaitre dans la nature à reconnaitre des plantes protégées, à savoir quel comportement adopter pour ne pas créer de dérangement et tout, je préfère plutôt que ces gens qui n’ont pas assez de connaissances viennent en stage avec des photographes un peu plus aguerris qui vont leur donner les bons tuyaux, plutôt que laisser des gens faire n’importe quoi dans la nature et contribuer à sa dégradation.

Régis Moscardini : C’est sûr. Donc c’est une démarche qui est intéressante aussi du côté de l’éthique.

David Greyo : Oui, complètement.

Régis Moscardini : Donc si un photographe qui souhaite en faire son métier, toi tu lui conseilles clairement de diversifier le plus possible ses sources de revenus et de ne pas compter que sur la vente providentielle de ses photos ?

David Greyo : Moi, en tout cas, c’est ce que j’ai été obligé de faire. Après, je ne sais pas si mes photos ont suffisamment d’intérêt pour être vendables, mais je sais que mon revenu n’était largement pas suffisant pour pouvoir vivre juste en pensant aux ventes de mes images, donc il a fallu.

Régis Moscardini : Est-ce que tu penses que c’est lié au nombre de plus en plus important de photographes qui sont susceptibles de vendre leurs photos ? Est-ce que le numérique, selon toi, n’a pas justement fait exploser le nombre de photographes qui sont potentiellement capables de vendre leurs photos ?

David Greyo : Oui, c’est un peu le discours classique. Mais c’est vrai que c’est en partie ça, en partie

Régis Moscardini : Ce n’est pas que c’est bien ou pas bien, c’est comme ça quoi !

David Greyo : Oui, c’est comme ça, et puis si je suis là, c’est que j’ai aussi bénéficié de cette explosion du numérique. Mais c’est aussi en partie, je pense, le manque de valorisation des images. Maintenant du fait du numérique, les gens ont l’impression que les images sont faciles à faire, que ça ne coute rien et sont moins prêts à les payer que quand on faisait de la diapo. C’est aussi ça.

Régis Moscardini : Tu es parti très récemment en Norvège. Est-ce que tu peux nous en parler et nous dire quel était le but de ce voyage ?

David Greyo : Là, c’était un rêve, ce n’était absolument pas un calcul financier ou quoi que ce soit, c’était le rêve juste de voir les aurores boréales, des photos que je n’envisage pas de vendre parce qu’il y en a des milliers, là c’était avant tout me faire plaisir parce que la photo, même si actuellement j’en vis, j’essaie toujours que ça reste une passion et que je me fasse plaisir. Donc mes sujets sont aussi choisis en fonction de ça, des sujets qui peuvent encore me faire plaisir, m’apporter quelque chose. Et là les aurores, c’était vraiment l’idée.

Régis Moscardini : Alors justement ce rêve-là, t’a-t-il déçu ou c’était au-delà de toutes tes espérances de voir les aurores boréales en vrai ?

David Greyo : Au-delà de toutes mes espérances, vu les conditions météo, non

Régis Moscardini : Ah ! Mince.

David Greyo : Non, quand on revient finalement avec assez peu d’images, avec assez peu d’observations, un objectif en moins qui est resté là-bas tellement il était éclaté, il y a forcément une part de déception. Après, ça reste forcément un moment magique de voir ça. Ça a été un peu la surprise de voir que finalement c’est plus photogénique qu’à vivre le moment sur l’instant. Parce qu’il faut voir que la plupart des aurores sont à peine perceptibles à l’œil, mises à part quelques rares explosions solaires qui font des grosses aurores sinon les autres sont vraiment assez faibles. Et c’est le temps de pause long de la photo qui révèle leur couleur et leur forme.

Régis Moscardini : Donc finalement le côté trop perfectionné de l’œil humain dessert un peu les observations ?

David Greyo : Oui, c’est probablement un des rares cas où la photo apporte un plus par rapport à l’œil humain. Après, ça reste des moments vraiment magiques de vivre ça, l’ambiance boréale c’est quelque chose aussi de vraiment, quelque chose que je ne connaissais pas, plus habitué de l’Afrique, qui est vraiment à faire, que je ne regrette pas. Et j’y retourne très prochainement, je pense.

Régis Moscardini : Alors j’espère que tu n’as pas explosé ton objectif macro, le seul que tu garderais quand même.

David Greyo : Non. Un 16-35 par contre qui n’a pas réchappé au voyage.

Régis Moscardini : D’accord. Alors je reviens vers des questions plutôt pratico-pratiques. Quand on fait un tel voyage, ça coute fatalement de l’argent, c’est pour certains parfois le voyage d’une vie. Alors comment ça s’organise, je veux dire comment fait-on pour ne pas se rater, pour ne pas se louper, pour faire en sorte que ce voyage-là on en revienne avec pas mal d’images dans les cartes mémoire ?

David Greyo : La plupart du temps quand je pars avec un objectif plus de rentabilité, je me pose toutes ces questions-là. Là, en toute honnêteté, sur ce coup-ci, je ne m’étais donné aucun objectif de photos, déjà comme je te disais avant, c’est un sujet qui a été largement fait sur des endroits similaires auquel j’étais, donc je n’espérais pas faire mieux que ce qui existait déjà, donc j’y allais vraiment dans l’optique de voir déjà, de vivre le truc et l’aspect images était finalement assez secondaire.

Même si secondaire chez moi ça fait 2 sacs photo, 3 trépieds et pas mal de temps à passer pour essayer de faire des images. Mais finalement en se mettant moins la pression, on profite un peu plus des choses aussi.

Régis Moscardini : Alors David, tu n’es pas seulement un photographe de nature, tu couvres aussi des évènements comme des mariages, tu fais aussi du portrait et des reportages. Alors est-ce qu’on peut être un super photographe nature comme toi et faire en même temps des photos de gens et d’évènements ? N’est-ce pas incompatible ou au contraire quand on sait faire de la photo, finalement on sait tout faire ?

David Greyo : Alors super photographe nature, c’est sympa, ça fait plaisir, après je ne sais pas si c’est vraiment le terme approprié. J’ai vraiment commencé à être photographe naturaliste, parce que je ne savais pas photographier autre chose que la nature on va dire, et progressivement la maitrise de l’appareil, la gestion de la lumière et tout, je me suis rendu compte que quelque soit le sujet qu’on mettait devant l’appareil finalement c’était la même chose, quoi.

Et actuellement sur mes cours photo, j’ai des gens qui font un peu toutes les disciplines de photos, et c’est ce que je leur explique, s’exercer sur une fleur à gérer la lumière, jouer avec des flashes, etc., après derrière on remplace la fleur par un soldat de plomb, une assiette de spaghettis ou je ne sais quoi, finalement la démarche sera la même.

Au départ, je n’aurais pas fait autre chose que la nature mais progressivement j’ai vraiment pris gout à la photo, et j’avoue que maintenant, trouver justement la gestion de la lumière, saisir l’instant quelque soit le sujet, finalement maintenant ça m’intéresse. C’est là où je me suis rendu compte que j’avais franchi un cap et où je ne suis plus seulement photographe naturaliste mais photographe tout court je crois.

Régis Moscardini : D’accord. C’est une suite logique dans ton parcours professionnel. D’abord tu étais naturaliste avec un métier en lien direct avec ça, la photo est venue par-dessus et puis maintenant finalement elle a pris le pas sur tout le reste.

David Greyo : Complètement oui.

Régis Moscardini : Je note que tu n’es pas le seul. Je suis tombé récemment su la page Facebook de Vincent Munier, il y a un post qu’il a fait, il a fait une photographie d’une chanteuse dont j’ai oublié le nom à l’instant, mais c’est simplement pour dire que voilà, lui aussi par exemple fait des photos pas que de nature, il a fait notamment un reportage pour la pochette photo d’une artiste française, d’une chanteuse française. Donc finalement la technique est la même, après il suffit de l’utiliser dans d’autres buts.

David Greyo : Oui. Et puis moi, ça ne me surprend pas parce que, je vais revenir sur un aspect terre à terre, mais outre l’aspect financier et le fait de répondre à une demande, il y a quelque chose d’assez sympa de se remettre en question sur sa pratique de la photo et puis c’est un nouveau challenge à chaque fois que de trouver des solutions à la fois technique, à la fois artistique. On peut photographier d’autres sujets et réussir à les mettre en valeur.

Régis Moscardini : Oui, je comprends la démarche. Ça permet justement, comme tu l’as dit, de se remettre en question et de prendre des risques.

David Greyo : Oui. Sur du portrait travaillé avec de la lumière et tout, ça peut m’amuser tout autant que d’aller faire une session de photos nature.

Régis Moscardini : C’est certain. Alors j’aimerais que tu nous fasses le making off d’une de tes images favorites. Alors je te prends peut-être un peu comme ça au dépourvu. Est-ce que tu as en tête une image qui te vient tout de suite et sur laquelle tu voudrais un petit peu parler, que tu nous expliques pourquoi celle-ci en particulier et comment tu t’y es pris pour la réaliser ?

David Greyo : Alors la grosse difficulté à répondre à ça, c’est que je suis insatisfait de mes images, les gens qui me connaissent bien le savent bien, et du coup dans mes images favorites en général ce n’est pas les miennes.

Régis Moscardini : D’accord.

David Greyo : J’ai du mal à dire, cette image-là je la trouve vraiment bien dans les miennes, parce que mes images je vois plus les défauts et les erreurs que j’ai faites ou les regrets que j’ai de ne pas avoir fait autre chose

Régis Moscardini : Je suis sur davidgreyo/nature/portfolio, j’en ai vu une qui me plait beaucoup, c’est celle d’un écureuil, il a l’attitude, c’est un portrait, c’est un portrait serré, il tend la patte vers le ciel, on a l’impression qu’il demande quelque chose, il regarde sa patte l’air de dire je me regarde ma main, je me regarde mes ongles, quelque chose comme ça.

David Greyo : Ah oui, c’est une image qui a été faite en Inde.

Régis Moscardini : D’accord.

David Greyo : C’est un écureuil de Corée en fait qui a été faite en Inde dans un temple. Et c’est l’avantage de voyager, c’est que la faune en voyage est souvent moins farouche que la faune en France et en Suisse. En France, on accuse très largement les chasseurs, en Suisse il n’y a pas la même pression mais la faune est quand même tout aussi farouche. Par contre c’est le plaisir quand on voyage de trouver des animaux qui ont moins peur des humains.

Régis Moscardini : Ils sont sauvages, ce n’est pas dans des parcs animaliers, ils sont sauvages mais en gros ils ont moins peur de l’homme donc on peut les approcher plus facilement, c’est simplement ça ?

David Greyo : Voilà, oui. Et surtout en Inde où les animaux sont sacrés où cette photo, elle a été prise au Rajasthan et donc la population est à 99% végétarienne et respecte toute vie humaine, et donc chaque animal peut être une divinité pour des Indiens, et du coup une fois qu’il est une divinité les gens les nourrissent, ça peut être des vaches, ça peut être des singes, ça peut être des écureuils, ça peut être des oiseaux.

Régis Moscardini : D’accord. C’est un peu le principe de la réincarnation, c’est ça je crois ?

David Greyo : Oui. Et donc là, cet écureuil il vient chercher à manger. A partir du moment où on commence à s’intéresser à eux, à se baisser un petit peu et tout, ils viennent essayer de réclamer, voir si on a quelque chose à leur donner.

Régis Moscardini : Donc l’attitude sur celle-ci, tu as réussi à l’avoir, j’imagine enfin moi l’idée que je m’en fais c’est que tu l’as pris en rafale, et dans la rafale il y avait celle-ci. Ou est-ce que c’est une autre démarche ?

David Greyo : Oui, c’est vraiment ça. Sur l’animalier, je ne sais pas comment font les autres mais en tout cas pour ma part, ce genre d’instantané comme ça où on a juste le bon moment, c’est souvent lié à la rafale et à l’image qu’on sélectionne parmi la rafale qui a ce petit plus.

Régis Moscardini : Là-bas ce n’était pas très gênant, les animaux là-bas on l’a dit sont moins sauvages qu’en France, donc le bruit généré par la rafale n’est pas gênante pour la bête ?

David Greyo : Donc là c’est un écureuil, c’est ma femme qui sert d’appât entre guillemets. Et c’est un écureuil qui vient facilement nous chercher dans les poches, monter sur la jambe s’il sent qu’il peut y avoir quelque chose à manger.

Régis Moscardini : C’est un peu les marmottes dans certains coins des Alpes ?

David Greyo : Oui, c’est ça.

Régis Moscardini : D’accord.

David Greyo : Sauf que les marmottes dans certains coins des Alpes, la plupart des gens qui leur donnent à manger les poussent à une mort certaine.

Régis Moscardini : Par rapport au régime alimentaire qu’on leur fait subir ?

David Greyo : Oui. Donner du pain de son casse-croute à une marmotte, ce n’est absolument pas bon parce qu’une marmotte ne boit pas, elle s’étouffe avec le pain et on les retrouve agonisantes parce qu’elles ont du pain qui a gonflé dans la gorge.

Régis Moscardini : Alors David, est-ce que tu as un projet à venir que tu pourrais nous révéler, là, si ce n’est pas un secret, est-ce que tu pourrais nous dire quelque chose par rapport à ce que tu vas faire dans les mois à venir ?

David Greyo : Si je savais déjà ce que je vais faire la semaine prochaine. Je vis assez au jour le jour, j’ai 2 ou 3 voyages en prévision mais sans grands projets, juste des destinations comme ça pour un peu changer d’air, je vais la semaine prochaine en Toscane essayer de saisir quelques paysages, je suis en Camargue tout de suite derrière, au mois de juin j’expose dans les Vosges une expo axée sur les contrejours que j’ai déjà présentée cette année en Suisse au festival Salamandre.

Et puis pour l’instant c’est un peu tout. J’avais un gros projet qui me tenait à cœur sur lequel je devais aller ces jours-ci et je n’ai pas pu, c’était pour suivre la construction d’une école en Guinée, en fait la photo m’a amené à côtoyer un sanctuaire de chimpanzés en Guinée, vu que je suis administrateur d’une association qui s’occupe de la protection des primates à travers le monde, et outre la préservation des chimpanzés , on met aussi en place des projets d’aide à la population locale. Et là on est en train de construire notamment une école dans un petit village qui n’avait absolument rien du tout.

Donc c’est un sujet qui me tenait vraiment à cœur, que je voulais aller suivre, manque de pot, mon planning et le planning de construction là-bas n’ont pas pu s’accorder, donc je vais être obligé de mettre ça en suspens pour l’instant. J’espère bien y être pour la première rentée de septembre en tout cas.

Régis Moscardini : Je note quand même que la photographie animalière ou nature en tout cas plus généralement, et j’espère que ça peut motiver si c’était nécessaire les auditeurs, que la photographie nature peut emmener quand même dans pas mal d’horizons différents, et pas forcément que des horizons géographiques, c’est-à-dire que j’ai l’impression que tu as une vie assez trépidante, c’est très motivant pour les photographes qui voudraient un petit peu suivre tes pas.

David Greyo : Surtout ce qui me plait, c’est que mon objectif de départ qui a toujours été de faire de la protection de la nature, je l’ai fait pendant 15 ans en travaillant dans un conservatoire d’espaces naturels. Maintenant je le fais de manière différente par les images. Pour reprendre l’exemple du sanctuaire de chimpanzés, il y avait un problème là-bas sur une petite chimpanzé orpheline qui nécessitait une grave opération, elle avait un reliquat de plomb dans le cerveau lié à son braconnage et il fallait des fonds pour envoyer des spécialistes en France là-bas qui puissent l’opérer.

Les fonds bien évidemment, il en manque tout le temps pour ce genre de structures et la vente de mes images que j’ai pu réaliser de cette chimpanzé et puis de ses congénères là-bas a permis de récolter une partie des fonds, je ne dis pas que c’est mes images qui ont permis de l’opérer mais ça y a contribué en tout cas un petit peu.

Régis Moscardini : C’est une belle histoire en tout cas.

David Greyo : Oui, c’est ce genre de truc qui fait plaisir. On se dit que notre métier de photographe au moins il sert à quelque chose et des fois on est un peu découragé en se disant que finalement nos images elles n’apportent pas grand-chose à la protection. Des fois il y a comme ça des cas concrets où nos images peuvent faire évoluer les choses, peuvent permettre de faire changer quelque chose sur place et d’apporter un petit peu une modeste contribution à la préservation de la nature.

Régis Moscardini : Je crois qu’il faut voir ça comme ça, c’est à chaque fois une petite goutte d’eau et puis c’est plein de petites gouttes d’eau au fur et à mesure qui vont remplir ce que l’on souhaite c’est-à-dire protéger la nature plus qu’elle ne l’est actuellement.

David Greyo : Oui, et puis il y a tellement de besoins que l’on peut être nombreux à s’y investir.

Régis Moscardini : David, je te remercie infiniment pour ce chouette moment passé en ta compagnie.

David Greyo : Merci beaucoup. Super.

Régis Moscardini : Et puis j’invite les auditeurs à aller voir ton site Internet, ils trouveront le lien sur la page du blog et puis aller voir aussi Eresus nature pour découvrir le travail proposé par votre collectif.

David Greyo : On parlait de Norvège, alors il va falloir attendre un petit peu pour que les photos soient en ligne, que les gens ne se jettent pas tout de suite dessus. La page est créée mais les images il va falloir un petit moment pour trier et traiter tout ça et que ce soit en ligne mais ce sera une occasion d’y revenir si les gens ont aimé e qu’ils ont vu ma première fois.

Régis Moscardini : Evidemment. Merci beaucoup David.

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