Le printemps est la saison photo favorite de la plupart des photographes animaliers. Je dis bien de la plupart ! Car parmi vous certains préfèrent l’hiver pour les ambiances pures, d’autres l’été pour les couchers et levers de soleils, ou encore l’automne pour les couleurs dorées.

N’empêche, le printemps est bel et bien une saison à part pour la photographie animalière !

Beaucoup de raisons à cela. Je tente de dresser une liste :

  • C’est l’arrêt de la saison de chasse. Ouf. Enfin tranquilles. Pas seulement les photographes animaliers d’ailleurs. Tous les usagers de la nature en général. Oh, bien sur, les premiers concernés par cette bonne nouvelle sont les animaux sauvages. Pas tous malheureusement. Les pauvres renards, notamment, demeurent chassables toute l’année. Une connerie sans nom. Le collectif Renard Grand Est le montre bien assez.
  • C’est le réveil de la nature. Ok, c’est un peu culcul, mais c’est la vérité non ? La montée de sève, les bourgeons qui explosent, les fleurs qui poussent, les oiseaux migrateurs qui reviennent, les hibernations qui prennent fin, …
  • Ce sont les premières vraies sorties des animaux à sang froid.
  • Les photographes frileux peuvent enfin ranger leurs 12000 couches de vêtements et sortir plus légers.
  • Il y a d’autres raisons certainement, écrivez-les dans les commentaires ! 🙂

Fin de l’introduction.

Le matériel photo utilisé

J’étais avec mon reflex habituel, le Pentax K3. Un reflex qu’on pourrait qualifié d’expert. Il est idéal pour la photo animalière (n’hésitez pas à jeter un oeil à mon guide complet du matériel ici).

 

Mon fidèle Pentax K3 !

L’objectif choisi est le 300 mm f/4 Pentax. Comme le dit si bien mon ami Fabien Gréban, c’est le couteau suisse de la photo animalière. Il a parfaitement raison.

On peut tout faire avec. De la faune sauvage, évidemment, mais aussi de la proxy photo. De la photo rapprochée si vous préférez. Disons qu’il s’agit de macrophotographie réalisée avec un objectif pas spécifiquement dédié à la macro. Typiquement un 300 mm.

Je n’avais rien d’autre. Pas de trépied. Pas de filtres. Pas de vêtements de camouflage. Pas de télécommande. Juste mon sac à dos, des accus pleins et mes cartes mémoires.

J’insiste sur ce point. Il est primordial pour moi de vous faire comprendre que la photo animalière (et de nature) est mille fois possible avec très peu de matériel. Bien sur, tout dépend des sujets photographiés. Mon reflex couplé au 300 mm ne suffirait pas pour tirer le portrait serré d’un lynx.

Mais pour la sortie de fin de journée, après le boulot, pour celle du dimanche matin avec les gosses, c’est largement possible.

Je suis donc parti avec moins de 2 kilos sur le dos. Quasi rien en fait.

Destination : un des nombreux parcs de la ville à coté de chez moi. 10 minutes en voiture.

Météo : beaucoup de vent. Pas génial pour les sujets prévus mais il y avait quelques accalmies. Ciel très nuageux, alternant entre une lumière très diffuse sans forts contrastes et des éclaircies donnant une luminosité plus contrastées et chaude. Des conditions que je qualifierais de … potables !

Sujets prévus :

  • Fleurs communes du printemps
  • Abeilles
  • Fleurs d’arbres fruitiers.

Vous voyez, je n’avais franchement pas mis la barre très haute ! Tous ces sujets sont accessibles partout en France.

Sujet 1 : les jonquilles.

Résultat souhaité :

  • isoler une fleur de jonquille de son environnement proche. Quand je dis isoler, il ne s’agit en aucun cas de la couper pour la mettre toute seule dans un coin. Non. Simplement par le truchement de réglages de mon reflex et de mon positionnement. Vous allez voir.

Technique mise en oeuvre :

  • du classique, rien que du classique. Je m’explique. En photo, pour isoler un sujet, il suffit de jouer sur 4 paramètres :
    • l’ouverture du diaphragme
    • votre position par rapport au sujet
    • la position de l’arrière plan par rapport au sujet
    • la focale utilisée.

Quand ces 4 paramètres sont bien utilisés, le sujet est littéralement montré comme s’il était seul. Alors qu’en réalité, des dizaines et des dizaines d’autres choses sont situées tout à coté.

Revenons sur ces paramètres.

  • l’ouverture du diaphragme. Elle doit être la plus grande possible. Ne vous enquiquinez pas : choisissez le mode semi-automatique Priorité au diaphragme et ouvrez au max des possibilités de votre objectif. f/4, f/5.6 ou f/6.3 par exemple.
  • votre position par rapport au sujet. Vous devez être aussi proche que possible. En fait, je devrais dire aussi proche que le permet la distance minimale de mise au point de l’objectif. Pour ma part, avec mon 300 mm, j’étais à 1,50 m de la jonquille.
  • la position de l’arrière plan par rapport au sujet. Ici, c’est le contraire. Le fond doit se situer aussi loin que possible du sujet. Ce peut être une haie, un arbre, des barrières, un mur. Peu importe. Aussi laid soit cet arrière plan, il ne devra pas être près.
  • la focale utilisée. Plus elle est grande, plus la capacité de l’objectif à isoler le sujet sujet sera performante. Avec mon 300 mm, c’est déjà pas mal !!! Si vous avez un 200 mm, c’est bien aussi.

Voyez la photo de la situation. On est loin d’une nature sauvage et préservée de toute activité humaine ! Pourtant, je vais, en jouant sur ces 4 paramètres, faire comme si. La magie de la photo. 🙂

Démarche :

  • point 1 : trouver un fond plus sombre que le reste. Cela me permettra de faire contraster le jaune de la jonquille avec le fond. Ayez toujours ça en tête : la photo est une affaire de contrastes ! Pour faire ressortir un zone de la scène, faites la contraster avec le reste. Pensez ombres chinoises, clair-obscur. Ça fonctionne toujours. J’ai repéré un buisson plus sombre que les autres. Ça ira parfaitement pour contraster avec la jonquille.

  • point 2 : trouver une jolie fleur pas abimée par le temps sur une belle tige bien verte.
  • point 3 : faire en sorte que la ligne buisson sombre > fleur > photographe soit libérée de tout élément perturbateur. Rien ne doit venir sur cette ligne. Pas d’enfants ni de chien, pas de grandes herbes.
    Si ça n’est pas le cas, vous pouvez supprimer les enfants et le chien plier, aplatir des herbes gênantes. Ou mieux, choisissez une autre fleur pour obtenir une ligne bien propre !
  • point 4 : allongez-vous au sol. Ok, certains passants vous regarderons bizarrement … jusqu’à ce qu’ils voient votre gros reflex. Là, ils comprennent et vous prennent subitement pour un artiste de grand talent. La classe ! 🙂
  • point 5 : vérifiez l’ouverture. Rappel : priorité à l’ouverture, ouverture maximum.
  • point 6 : vérifiez votre vitesse d’obturation. Elle devra être assez élevée pour éviter tout flou de bouger. Provoqué par vos propres mouvements et par les mouvements de la fleur.
    • pour contrer vos tremblements : la vitesse devra être au moins égale à la focale. Concrètement, je ne descendais pas en dessous de 1/400 s.
    • pour contrer les mouvements de la fleur (dus au vent) : la vitesse précédemment utilisée devrait être suffisante.
      Tout ça bien sur, pour garantir une netteté parfaite.
  • point 7 : mettre l’oeil dans le viseur (enfin !). Regardez ce que donne la scène. Est-ce que la fleur se situe dans le même plan que le fond ? Est-ce qu’elle contraste assez ? Est-ce qu’une herbe, un truc ou un bidule ne perturbe pas la scène ? Vérifiez bien tout ça.

  • point 8 : déclenchez. S’il y a du vent en rafale comme moi ce jour là, attendez une accalmie. regardez sur l’écran ce que ça donne (ah !!! la magie du numérique !). Rebelotte : la fleur contraste-t-elle bien ? Est-elle assez nette ? Si oui, passez au point suivant. 😉
  • point 9 : faites une bonne mesure d’exposition de la lumière. Si le temps est nuageux, faites au plus simple et laissez faire l’appareil. Il s’en sortira. En revanche, en cas de lumière dure avec un soleil bien présent, jouez avec la correction d’exposition. Faites des photos d’essais puis corrigez l’expo de manière à ce que la fleur soit bien exposée : pas cramée ni trop sombre.
  • point 10 : composez !! Placez la fleur dans la scène de manière à lui donner le plus d’importance possible. Idéalement, il vaut mieux la placer sur un point fort de l’image. Ce qu’on appelle communément la règle des tiers.

  • point 11 : ne laissez rien passer ! Vérifiez minutieusement sur l’écran de contrôle ce que donne votre cadrage. Tenez, sur les premiers déclenchement, dans le viseur, je n’ai pas prêté garde à la petite feuille dans le coin bas et gauche de la scène. C’est en vérifiant sur l’écran que j’ai vu qu’elle était coupée. J’ai alors décalé mon cadrage.

Regardez la tige coupée en bas à gauche. Ne pas laisser passer ça.

 

Le résultat final – EXIFS : 1/640 – f/6.3 – 300 mm – ISO 400

Rien n’est figé. Vous pouvez tout tenter. Format portrait, paysage. En ce qui me concerne, j’ai pris le parti de faire un format portrait en intégrant la petite tige en bas à gauche. C’est purement et simplement un parti pris esthétique. C’est mon choix artistique. Je n’ai aucun conseil à vous donner en la matière. Le seul critère qui tient c’est : « est-ce que je trouve ça beau ? »

Sujet 2 : les muscaris.

Ces petites fleurs des prés sont magnifiques. Elles sont un véritable appel à la photo !

Un petit mot de Wikipédia :

les Muscaris sont facilement reconnaissables à leurs fleurs de couleur bleue, violette ou noirâtre, parfois blanche, petites clochettes ovoïdes à ouverture étroite, réunies en une grappe très serrée, dans laquelle elles sont presque soudées. Plus ici. 

Ces fleurs sont souvent au ras du sol. Pas facile donc de les isoler de leur environnement proche. Elles ont par contre un méga super avantage : leur forme circulaire. Je veux dire que, contrairement à la jonquille qui présente un avant et un arrière, le muscaris peut être photographié sous tous les angles !

Mon terrain de jeu pendant 10 minutes

Ma démarche ici est en gros la même que celle utilisée pour les jonquilles.

Résultat souhaité :

Isoler un muscaris de son environnement proche et attirer le regard vers lui.

Technique mise en oeuvre :

Exactement la même que pour la jonquille. On ne change pas une équipe qui gagne.

La seule chose qui diffère par rapport à ma démarche pour la jonquille est la méthode utilisée pour mettre en valeur le sujet.  Souvenez-vous, le jaune de la jonquille attirait le regard en contrastant fortement avec le fond.

Ici, la situation ne me permettait pas d’utiliser la même approche : pas de fond sombre.

J’ai donc utilisé ce que je pourrais appelé la technique du « Phare dans la nuit ». Rien n’est plus visible qu’un phare dans la nuit n’est ce pas ?

Sous licence Creative Commons CC

Rien de tel qu’un point très flashy dans une scène pour attirer l’oeil. J’ai joué avec ça.

  • Point 1 : trouver une belle fleur de muscaris.
  • Point 2 : faire en sorte qu’elle se trouve à coté d’un pissenlit. Oui, oui, la fleur jaune que personne ne regarde. 😉 Le phare dans la nuit, c’est lui !
  • Point 3 : allongez-vous au sol et placez vous de manière à mettre le muscaris pile devant le pissenlit.

  • Point 4 : la difficulté sera de trouver la bonne distance pour avoir le muscaris se plaçant « à l’intérieur » du pissenlit. Mais ça va, vous avez le temps. 🙂

  • Point 5 à 11 : comme pour la jonquille.

Le résultat final EXIFS : 1/400 – f/4 – 300 mm – ISO 200

J’insiste sur un point. Faites vraiment attention à la végétation. Elle ne doit pas perturber le regard du spectateur. Voyez comme je n’ai pas hésité à faire le ménage autour du muscaris (ça va, c’est juste de l’herbe ! 🙂 )

Sujet 3 : les fleurs de cerisier

On change de registre. On change même de dimension ! Vous allez pouvoir rester debout ! 🙂

Avant toute chose, sachez que les grands principes de réglages donnés pour la jonquille sont valables ici. Ce qui change à présent est la démarche artistique. Lors des deux précédentes étapes, mon but était d’isoler le sujet.

Là, c’est l’inverse.

Résultat souhaité :

Montrer des fleurs de cerisier dans leur environnement.

Technique mise en oeuvre :

Augmentation de la profondeur de champ

Explications.

Un arbre fruitier tient une place dans l’environnement sans commune mesure avec les petites fleurs du sol. Partant de ce principe, j’ai décidé d’intégrer les fleurs de l’arbre dans leur lieu de vie. Pour justement montrer leur origine. Les remettre dans leur contexte en quelque sorte.

Décontextualiser, isoler à l’extrême une jonquille n’est pas un problème : on sait où elle pousse, d’où elle vient.

C’est plus embêtant, à mon sens, pour une fleur de fruitier.

Alors comment faire ?

Parlons un peu de zone de netteté. Appelée aussi profondeur de champ. Pour la jonquille et le muscaris, on la voulait aussi courte que possible pour placer dans la zone floue l’avant plan et l’arrière plan.

Ici, on va l’allonger un peu, cette zone de netteté. Mais pas trop !

La difficulté sera de trouver le bon équilibre visuel entre :

  • montrer assez d’environnement pour faciliter l’identification du sujet
  • le laisser suffisamment flou pour ne pas gêner le lecture de l’image.

Pour y arriver, j’ai modifié deux des quatre paramètres vus au début :

  • l’ouverture du diaphragme
  • ma position par rapport au sujet

Concrètement ça donne ça :

  • je me suis placé à 5 ou 6 mètres des fleurs. J’ai allongé la distance me séparant du sujet.
  • j’ai fermé un peu plus le diaphragme. Passant de f/4 à f/7.1.

Ces deux modifications faites, remarquez comme le fond se distingue bien. On y voit le tronc d’un autre arbre.

EXIFS : 1/500 – f/7.1 – 300 mm – ISO 2500

Faites des essais et contrôlez le résultat sur l’écran.

Si vous trouvez que le fond n’est pas assez dessiné, qu’il reste encore trop flou, c’est que la profondeur de champ demeure trop faible. Il faut l’augmenter. Fermez le diaphragme. Ou reculez.

Simple non ?

 

On peut aussi jouer sur la profusion, comme ici ! EXIFS : 1/500 – f/11 – 300 mm – ISO 1600

Dernière chose.

Faites attention à la surexposition. Ici, ce sont des fleurs de cerisier. Blanches, elles peuvent être cramées très facilement. Ce jour-là, la couverture nuageuse m’a permis de rester en mesure de la lumière évaluative sans avoir à jouer de la correction d’expo.

Par contre la présence du soleil devrait vous inciter à sous-exposer pour garder de la matière dans les pétales blancs.

Sujet 4 : le butinage des abeilles

Quoi de plus fort que le travail des abeilles pour symboliser l’apparition du printemps ? Le retour des hirondelles ? Ah oui, peut être. 🙂

Plus sérieusement, j’aime beaucoup l’idée de pouvoir montrer le réveil de la nature via le butinage des abeilles. Pour illustrer mes conseils, j’avais prévu de consacrer du temps sur un massif de fleurs que je sais très fréquenté par ces insectes.

Sauf qu’à la prise de vue des fleurs de cerisiers, je les avais déjà à portée d’objectif ! Pas la peine de chercher ailleurs. Sachons s’adapter. 🙂 Mon 300 mm n’aura jamais aussi bien porté son surnom de couteau suisse de la photo animalière qu’aujourd’hui !

Je passe de la photo de jonquille en gros plan à la photo d’abeille en pleine séance de butinage.

Résultat souhaité :

Montrer une abeille en train de butiner.

Technique mise en oeuvre :

Vitesse d’obturation élevée pour figer le mouvement.

Avant de commencer, j’avais en tête de shooter une abeille simplement posée sur une fleur. Sauf que leur mouvement autour du cerisier a changé mes plans.

Je voyais dans leurs ballets une belle opportunité photographique. M’est donc venue l’idée d’en immortaliser une en plein vol. Une photo plus difficile que les 3 autres. Pour une raison évidente : une abeille en vol, ça bouge.

Conséquence directe : comment faire la mise au point sur un insecte volant d’à peine 1 cm de long, à plus de 4 mètres de moi ?

Réponse : impossible. N’essayez même pas ! Trop petit, trop vif.

Solution : ruser.

Comment ? 7 étapes (j’aime bien les étapes 🙂 ) :

  1. Vous mettre en priorité à la vitesse. Choisir une vitesse d’au moins 1/1000 s. Le reflex se charge de régler en conséquence l’ouverture et la sensibilité
  2. régler la prise de vue en rafale rapide
  3. comme vous allez vraisemblablement pointer l’objectif vers le haut, donc vers le ciel, donc vers une zone très lumineuse, appliquez une correction d’exposition de +1IL. Laissez l’appareil en mode de mesure évaluative (ou matricielle, c’est pareil).
  4. jeter votre dévolu sur une abeille.
  5. pointez votre objectif dans sa direction, sans mettre l’oeil dans le viseur.
  6. attendez un peu … dès qu’elle se pose sur une fleur, visez, très vite, faites la mise au point sur la fleur, très vite.
  7. attendez un peu … dès que qu’elle reprend son envol, clac clac clac, appuyez sur le déclencheur sans vous arrêter

Voilà. C’est bon. Vous avez sur la carte mémoire une bonne dizaine de photos. Avec un peu de chance, il y aura dans le lot une image avec l’abeille nette.

Un conseil. Il y a net et net. Je veux dire que vous devez impérativement zoomer dans l’image sur l’écran de controle pour vérifier la netteté de l’abeille.

Recommencez l’opération autant de fois que nécessaire !

EXIFS : 1/1000 – f/9.0 – 300 mm – ISO 1250

 

Il y a tellement d’autres sujets à photographier au printemps ! Photographier le renard est incontournable, tout comme le lapin de garenne ou encore le chat sauvage d’Europe.